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Research NLPLe site NLP WIKI présente un article de Richard M. GRAY, intitulé « les erreurs conceptuelles dans la recherche scientifique ». Ce texte se rapporte aux biais méthodologiques qui ont entaché la recherche sur la programmation neuro-linguistique (PNL) depuis 35 ans et qui ont contribué à donner une perception erronée de la valeur de la PNL. Ce texte, qui n’est pas toujours facile à comprendre, apporte un éclairage sur les présupposés des premiers chercheurs qui se sont intéressés à la PNL, et sur la manière dont ces présupposés se sont transmis entre chercheurs. Cet article est un extrait du livre « L’efficacité clinique de la PNL-Une évaluation critique » de Lisa Wake, Richard Gray & Frank Bourke. Richard M. Gray est un ex enseignant de l’École de justice pénale de l’Université Fairleigh Dickinson aux USA.

L’histoire de John Watson et du petit Albert

La manière d’établir une représentation erronée d’une situation est bien démontrée avec l’histoire souvent rabâchée du Petit Albert et de John Watson. Ce récit a pour source les écrits d’Harris (1979). En 1920, Watson et Rayner ont décrit une expérimentation sur le conditionnement avec le « Petit Albert ». Le but de l’expérience était de déterminer si un enfant qui n’a pas peur des petits animaux pouvait être conditionné à avoir peur d’un rat blanc lorsque la présence de ce dernier était suivie du bruit élevé et surprenant d’un marteau heurtant un tuyau en métal. L’expérience consistait aussi à tester si la peur de l’enfant à propos du rat blanc pouvait s’étendre à d’autres stimuli. Les comptes-rendus initiaux de cette expérience nous donnent une description très claire et concise du processus suivi par Watson et Rayner. Ces descriptions incluent le détail des objets avec lesquels Albert a été mis en contact, mais aussi le temps écoulé entre les différents stimuli présentés pendant l’expérience ainsi que le suivi des ajustements d’Albert sur le long terme.

Dans une enquête sur des textes d’introduction à la Psychologie, Harris rapporte que la majorité des individus avait une représentation erronée de cette expérience. Quelques textes montraient des erreurs mineures sur le nom de l’enfant, son âge et sur le fait qu’il avait été conditionné à avoir peur d’un rat ou d’un lapin. De manière plus surprenante, de nombreux textes prétendent que la peur de l’enfant s’est généralisée à la fourrure d’un animal, d’une barbe, d’un chat, d’un chiot, d’un moufle et d’un gant blanc en fourrure, mais aussi à diverses variantes en fourrure, et à un ours en peluche. Certains oublièrent un deuxième événement de conditionnement faisant partie de l’expérience originelle. D’autres textes indiquaient qu’à la fin de l’expérience, Watson mis fin aux réactions de peur d’Albert lorsque ce dernier fut retiré de l’hôpital où les expériences avaient lieu. Par la suite, on ne revit plus le petit garçon. (Harris 1979)
Harris suppose qu’il y a deux raisons principales à ces imprécisions. La première est due à une volonté de représenter Watson de manière positive. La deuxième est due à une grande dépendance vis-à-vis des sources d’informations secondaires. On pourrait étendre les observations d’Harris au fait que ce genre d’erreurs se perpétue lorsque les auteurs continuent à se fier aux sources secondaires sans vérifier leur véracité.

Les présupposés sur le « Système de représentation principal » de la PNL

Dans le cas de la PNL, bien qu’il y ait eu des publications mal intentionnées, de nombreux mythes ont pour source une confiance renouvelée envers les données d’une série d’études mal documentées. Ces études ont généré la croyance que le «système de représentation préférentiel » ou « SRP» (originellement «Preferred Representation System» ou « PRS ») constituait une sorte de fondement théorique sur lequel tout l’ensemble de la PNL reposait. Un lecteur des premiers écrits sur la PNL (ceux de Bandler & Grinder 1975, 1979 ; Lewis & Pucelik, 1980), ou de ceux qui ont suivi, auraient découvert que ce concept du « SRP » avait été conçu d’une manière bien plus rigoureuse, contrairement à ce que la plupart des chercheurs en ont retenu et ils ont découvert également que ce concept fut rapidement considéré comme inutile. Des lecteurs auraient également découvert que ce concept a rapidement été mis de côté par Bandler et Grinder.
Dans la mesure où le concept de PRS n’a jamais été évoqué par Conirae et Steve Andreas dans leur description autorisée de ce qu’est la PNL, sa crédibilité est douteuse et la prémisse sur laquelle reposait la plupart des études PNL s’est avérée fausse. Ces prémisses ont continué à exercer une influence démesurée sur les chercheurs qui ignoraient tout du champ de la PNL.
Malgré un ensemble de recherches apportant un soutien régulier à un nombre important de concepts élémentaires de la PNL, les chercheurs retournent sans cesse aux données erronées des années 80. Les réfutations des données supposées expérimentales sur la PNL ont pour sources les mêmes auteurs (Andreas, C. & Andreas, S., 1989; Andreas, S., & Andreas, C., 1987; Gray, Wake, Andreas, & Bolsted, 2012)

L’analyse critique de  Sharpley des travaux scientifiques de la PNL

En 1984, après avoir noté l’apparition répétée de la PNL dans la grande presse, Sharpley consulta les données disponibles de la recherche concernant ce qu’il croyait être l’un des principes fondamentaux de la PNL, le système de représentation préférentiel ou « SRP ». Pour Sharpley (1984), le SRP et son idée que tout être rencontre le monde principalement à travers un système sensoriel préférentiel généralement visuel, auditif ou kinesthésique constituait la clé de la compréhension de la PNL. Sharpley avait retenu que l’évaluation précise de cette préférence sensorielle était fondamentale pour la validation de tout ce que pouvait proposer la PNL. Cette évaluation pouvait être réalisée grâce à un examen des clés d’accès oculaires (CAO) et des prédicats descriptifs (Sharpley, 1984).

Sharpley examina 15 études publiées portant sur cette observation afin de concevoir une méthode de travail  et des mesures. Il divisa les études en quatre catégories: celles qui avaient testé la présence du SRP comme phénomène réel, celles qui avaient examiné la validité du modèle à l’aide de mesures multiples, celles qui avaient examiné l’utilisation du SRP dans des situations non thérapeutiques et celles qui avaient testé l’efficacité du SRP dans des situations thérapeutiques.  Sharpley concluait de façon précise – en accord avec les propos de la PNL concernant les clés d’accès oculaires (CAO)- que s’accorder aux prédicats des clients au cours d’une conversation clinique était très important pour l’amélioration de l’empathie avec ces clients. Mais ayant recherché en vain cet SRP insaisissable ou inexistant avec l’hypothèse qu’il était en quelque sorte fondamental à la PNL, Sharpley a rejeté (de façon logique) l’utilisation dynamique des CAO comme étant non pertinente pour valider le PRS, et a déclaré que les travaux de recherches examinés ne soutenaient pas l’existence du SRP.

Pour cette époque (1985), l’analyse des travaux scientifiques pouvait apparaître raisonnable. Du point de vue de la PNL, cette analyse souligne de nombreux problèmes sérieux. Ces problèmes concernent : l’ubiquité supposée du SRP; son rôle central présumé dans la PNL, la présomption que les indicateurs (clés d’accès oculaires et prédicats), sont toujours en accord avec le système de perception conscient, et que ce genre de relation implique autre chose qu’une série de changements observables dans les réponses interpersonnelles. Ayant déjà examiné les deux premiers problèmes, l’attention peut se tourner maintenant vers les autres.
Sharpley, ainsi que les auteurs de la plupart des études examinées, semble avoir cru que l’analyse des modalités sensorielles était un simple exercice. Il a supposé que ces modalités pouvaient être liées à un ou deux indicateurs (CAO et l’usage de prédicats) et que ces derniers éléments pouvaient révéler la modalité sensorielle active en tant que variables indépendantes ou co-dépendantes. Sharpley, et la plupart des auteurs qu’il cite, croyait également que la modalité sensorielle mise à jour par ces indicateurs devait nécessairement se produire sur demande.

Ce qui veut dire que si on demande à un sujet de penser à un son ou à une image, ce sujet devrait immédiatement accéder à ses centres cérébraux  auditifs, visuels ou kinesthésiques, et cet accès devrait se retrouver dans les prédicats ou les clés d’accès oculaires. Ce qui fait défaut à cette présupposition c’est que les modalités sensorielles de la PNL ne sont pas, le plus souvent, des caractéristiques qui apparaissent à la demande.
Ceci signifie que ces modalités sensorielles, tels qu’on les identifie facilement à travers les prédicats ou les mouvements oculaires, ne peuvent apparaître par le seul effet des instructions, mais qu’elles doivent être observées au cours d’une conversation naturelle. Au lieu de considérer les modalités sensorielles comme un reflet invariant du processus neurologique, ces modalités sensorielles  doivent également être observables dans des circonstances facilement spécifiables, car elles sont accentuées voire bien souvent englobées dans une gestalt complète qui se compose du rythme respiratoire, de la posture corporelle, du ton de la voix, du rythme de la parole et du contexte sensoriel. Cette gestalt fournit un cadre perceptuel qui permet au praticien qualifié de discerner ce que la procédure simple ne peut pas. De plus, les CAO  « simples » sont rendus plus compliqués par de multiples mouvements oculaires qui ont lieu en même temps.

Bandler et Grinder (1979) soulignent que le système de représentation actif s’identifie par des schémas qui se répètent plus souvent que ceux des mouvements oculaires simultanés. Ils suggèrent que la bonne manière d’apprendre à évaluer les systèmes de représentation consiste à poser des questions multiples, en prenant en compte un seul système à la fois, et à discerner les schémas qui apparaîssent le plus souvent. Ils soulignent également que ces schémas varient en fonction des spécificités individuelles, et qu’ils doivent donc être détectés en observant chaque sujet en tant que personne unique.

Là où cela se complique, c’est lorsque Bandler et Grinder déclarent que les signaux d’accès oculaires reflètent le processus complet de prise de conscience du contenu. Ceci implique typiquement des systèmes multiples. Ils notent :
Nous devons désormais faire une distinction. Les prédicats, les mots qu’une personne choisit pour décrire sa situation, lorsqu’ils sont spécifiés par un système de représentation, nous informent sur la conscience du sujet. Les prédicats nous indiquent les aspects de ce processus cognitif interne complexe dont le sujet est conscient. Les signaux d’accès oculaires, comme les balayages oculaires, nous informent littéralement de la séquence complète d’accès, que nous appelons stratégie. Ce que nous appelons le « système directeur » est le système que vous utilisez pour aller chercher une information. « Le système de représentation » est celui qui persiste dans la conscience du sujet, et qui est reflété par les prédicats. Le « système de référence » est constitué par votre manière de décider si ce que vous connaissez en ce moment même, après avoir accédé à l’information et en avoir pris conscience, est vrai ou pas (1979, p. 28).

Ceci signifie, entre autres, que les accès oculaires et les prédicats ne correspondent pas tout le temps. Ainsi, le système directeur n’a pas besoin de correspondre aux CAO car il peut être le reflet d’un processus inconscient. Une fois la prise de conscience de la perception effectuée, les mouvements oculaires peuvent montrer une modalité sensorielle différente, celle qui est utilisée pour traiter un contenu conscient.

De plus, Bandler et Grinder soulignent la nature contextuelle de la détermination du SRP dans le passage suivant :

Nous prétendons que nous utilisons tous les systèmes, tout le temps. Dans un contexte particulier, nous nous rendons compte qu’un système prend le dessus par rapport aux autres. Je suppose que quand vous faites de l’athlétisme ou que vous faites l’amour, vous avez bien plus de sensibilité kinesthésique. Quand vous lisez ou que vous regardez un film, vous avez bien plus de conscience visuelle. Il est possible de passer d’une modalité à l’autre. Il existe des marqueurs contextuels qui permettent de passer d’une stratégie à l’autre et d’utiliser des séquences différentes (p. 36).

L’autre erreur conceptuelle de Sharpley et des auteurs des études examinées concerne la définition du rapport (la relation au sens PNL) et les conditions relationnelles dans lesquelles les évaluations SRP et CAO ont été réalisées. Comme c’est souvent le cas dans des travaux de recherches mal conçues, le terme « rapport » est défini de façon standard, à partir de la définition d’un dictionnaire, ou par une définition courante dans la sous-discipline du chercheur. Dans la plupart des cas, ceci produit des faux négatifs. À moins que le phénomène étudié soit examiné à partir de la définition de ses utilisateurs, l’évaluation est invalide. En général, les évaluations du rapport, à l’exception de celles qui intègrent une définition en termes d’empathie accrue, sont vouées à l’échec. Ce genre d’erreurs est suggéré par Loannides (2005) et documenté par Martinson, Anderson et Devries (2005).

Ces erreurs répétées à propos de la trop grande importance du SRP se retrouvent dans la lecture des premiers chapitres de « La Structure de la Magie, Volume II » (1976). Selon Andreas (Gray, Wake, et al, 2012) qui était présent lors des évènements cités dans cet ouvrage, le SRP a été présenté comme un outil d’enseignement. Avec une lecture attentive du livre « La Structure de la Magie, Volume II » le propos d’Andreas fait sens et devient évident

Dans les premiers chapitres du livre, Grinder et Bandler parlent en effet de l’utilité du SRP comme un moyen d’établir le rapport et comme un outil important en thérapie. Ils évoquent la capacité de chacun à découvrir le monde avec ses cinq sens et l’existence chez chacun d’entre nous d’un ou plusieurs sens plus développé que les autres. Ceci est décrit en termes de tendance, c’est à dire une tendance observée et non en tant que vérité. Ce qui passe souvent  inaperçu dans ce débat, c’est qu’il semble débuter avec la description d’une tendance générale, pour ensuite passer à la discussion d’un problème, et qu’il se termine par l’inventaire des moyens pour résoudre le problème. Les commentaires qui au début traitent du SRP et de son identification, se transforment en une discussion sur la façon dont le système sensoriel hautement privilégié permet de limiter les cartes du monde des individus, de limiter leur capacité à communiquer avec les autres et appauvrit leur capacité à profiter de l’éventail complet d’expériences humaines. Dans de tels cas, le thérapeute cherche d’abord à évaluer la limitation puis à trouver des moyens de faire découvrir au client de nouvelles possibilités de perception et d’action. Voici ce qu’ils disent (Grinder et Bandler):

« Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises dans « Sructure de la Magie I », lorsque les gens viennent à nous en thérapie avec une souffrance ou  le sentiment d’être coincés par manque de choix, nous constatons que leur monde est assez riche et varié pour obtenir ce qu’ils veulent, mais que c’est  leur façon de se représenter le monde qui n’est pas assez riche et varié pour obtenir ce qu’ils veulent. En d’autres termes, la façon dont chacun d’entre nous se représente son expérience peut être source de souffrances, ou d’expériences excitantes, vivantes, et de croissance dans nos vies. Plus précisément, si nous choisissons (consciemment ou non) de nous représenter certains types d’expériences dans l’un ou l’autre de nos systèmes de représentation, nous réussirons soit à nous générer de la souffrance ou soit à nous donner de nouveaux choix.» (P.28)

En dehors du contexte thérapeutique, comme le fait remarquer Andreas, le SRP a été présenté comme un moyen d’attirer l’attention sur les systèmes de représentation d’une manière très générale.

Malgré ces erreurs, Sharpley a montré de la perspicacité et a souvent eu raison. Ceci dit, Sharpley a été limité par les hypothèses testées, ce qui a modifié ses observations. Une des déclarations les plus frappantes et précises qu’il a fait est la suivante

Cependant, l’identification de ce SRP (s’il s’agit bien d’un SRP et non pas d’un simple style de langage contemporain) par les mouvements oculaires ou l’auto-évaluation, n’est pas corroborée par les résultats de la recherche. L’effet de signal des verbalisations du client est utile, non pas pour identifier le SRP mais pour signifier aux accompagnants le besoin d’exprimer leurs réponses de façon à maximiser l’empathie au cours de l’entretien. L’existence ou la stabilité du SRP n’est pas pertinente pour « coller » aux prédicats lors d’une démarche de thérapie, et la parcimonie des données plaide plus en faveur d’un processus que d’une théorie qui demeure invérifiée. (P. 247)
Son article aurait pu avoir bien plus de valeur s’il avait été dépourvu d’idées préconçues sur le SRP en tant que pilier des techniques PNL, et s’il n’avait pas pris les auteurs des études examinées au pied de la lettre. Un peu plus tôt, l’auteur dit, à juste titre, que :

… si la PNL suggère que les conseillers qui font preuve d’un profond degré d’empathie sont plus efficaces que ceux qui ne le font pas, il n’y a là rien de nouveau. Si la PNL cherche à favoriser les réponses empathiques de la part des conseillers, alors les échelles conçues pour mesurer l’empathie devraient montrer la même chose et elles le font (par exemple, Hammer, 1983). Bien qu’il s’agisse d’une procédure valable pour les conseillers, ceci n’accorde pas à la PNL une position théorique distincte (pas plus que pour ses propriétés « magiques » comme le prônent ses partisans). (p.246)

Un rappel des buts de la PNL

Ceci semble (les propriétés magiques de la PNL) constituer une autre part importante du problème. La PNL dit clairement que son objectif est la découverte de schémas qui fournissent des résultats thérapeutiques, à partir des schémas qui appartiennent au répertoire des exemples types donnés par les personnes modélisées. La PNL n’a jamais prétendu que ces seuls éléments de techniques pouvaient être transformatifs, mais qu’il s’agit d’un ensemble de techniques qui peuvent potentiellement être utilisées pour des buts variés. La PNL n’a jamais prétendu que ses techniques représentaient « quelque chose de nouveau », ni qu’elles soutenaient une théorie en particulier. (Bandler et Grinder, 1975, 1979 ; Dilts, Grinder, Bandler, Bandler, et Delozier, 1980).

Sharpley est bien souvent injustement critiqué pour ses prises de position erronées sur la PNL. Ces critiques émergent d’une position bien postérieure (par rapport aux travaux de Sharpley) et d’une position qui intègre l’apparition d’un consensus sur plusieurs modèles de la PNL, dont aucun ne soutient que le SRP ou les CAO constituent des principes fondamentaux sur lesquels reposent la PNL. Nous devrions de plus reconnaître que le travail de Sharpley dépendait de sources d’informations qui avant lui avaient également fait des hypothèses erronées à propos de la PNL. Le problème n’est pas Sharpley, mais le fait que ses résultats aient été acceptés sans critique de la part de chercheurs qui n’avaient pas examiné le statut de la PNL depuis le milieu des années 80. Comme Bradbury l’a correctement observé : toutes les routes mènent à Sharpley (Bradbury, 2011a, 2011b).

Peu de temps après la publication de Sharpley, Einspruch et Forman (1985) ont publié leur réponse : Observations au sujet de la littérature sur la programmation neurolinguistique. Ces auteurs ont systématiquement critiqué les 15 études utilisées par Sharpley et ont étendu leur analyse à 24 études non étudiées par Sharpley. Ils débutaient en signalant les erreurs faites par Sharpley et les autres auteurs à propos de la PNL. Parmi les erreurs les plus notables figurent celles-ci :
• Ils ignoraient les modèles spécifiés par la PNL pour définir les patterns (et leurs natures hautement individuelle) ainsi que la nature de la communication et des interventions thérapeutiques.
• Ils étaient incapables de reconnaître l’impact du contexte dans leurs conclusions, mais aussi le fait que l’information peut coexister en même temps dans plusieurs systèmes sensoriels, à des niveaux conscients et inconscients.
• Ils se sont concentré sur le SRP et ont en fait une « chose », comme un objet discret plutôt qu’une expression partielle d’un processus en cours.
• Ils supposaient à tort que le SRP et les systèmes de représentation s’appliquaient généralement aux personnes droitières.
• Contrairement aux représentations habituelles retrouvées dans la littérature de la PNL, ils identifiaient le SRP comme la clé d’une activité de thérapie efficace.
• Aucune des études n’a pris en compte le méta-modèle de communication comme un moyen essentiel d’analyse des processus conscients et inconscients.

Les erreurs méthodologiques, détaillées par Einspruch et Forman, comportaient un manque de formation adéquat sur les techniques PNL testées, et une incapacité des chercheurs à comprendre la position de la PNL. En effet pour cette dernière les mots sont des stimuli conditionnés qui évoquent des réponses à plusieurs niveaux.

Rappelons que pour la PNL les patterns ont un statut spécial (Grinder & Bandler, 1980). Ils impliquent le point de vue de l’observateur et des autres participants. Ce sont des séquences dynamiques de perceptions et d’actions qui sont identifiées par la circulation de l’information sensorielle au cours de la procédure. De ce fait, aucun schéma n’a de formulation unique et statique. Comme les formulations en mathématiques et en logique symbolique, les schémas commencent par un ensemble d’éléments communs (VAKOG et sous-modalités). Ces éléments individuels peuvent varier en termes d’ordre et de valeur, mais le schéma le plus général de leurs interactions demeure. Encore une fois, Grinder et Bandler amènent les précisions suivantes :

 «Puisque les schémas doivent être représentés en termes sensoriels, disponibles pour l’utilisateur à travers la pratique, un schéma aura des représentations multiples, chacun étant adapté aux différentes capacités sensorielles de l’utilisateur unique. Remarquons en passant que cette exigence rejette immédiatement les énoncés statistiques concernant les schémas comme étant structurants en PNL, puisque les énoncés statistiques ne sont d’aucun usage pour un utilisateur » (1980 a, p. 6).

En fin de compte, Einspruch et Forman font plusieurs recommandations concernant d’autres recherches. Dont le fait que  les chercheurs qui étudient la PNL devraient être formés par des formateurs compétents, pour une durée appropriée, et à un certain niveau de compétence. Leur CV doit inclure une formation dans la reconnaissance des schémas et une appréciation sérieuse des présupposés sous-jacents de la PNL. C’est uniquement avec ce niveau de formation, qu’on aurait pu avoir une bonne base pour évaluer les applications de la PNL en thérapie.

Dans un bon nombre d’études examinées par Sharpley, ce dernier tentait d’étudier le rapport (relation au sens PNL) comme un test courant du type « papier-crayon ». Ces auteurs (Einspruch et Forman) suggèrent que toutes études sur le phénomène du rapport doivent être faites à l’aide de critères objectifs, axés sur le sensoriel. Ils indiquaient également que les procédures testées devaient être  notées de façon individuelle et ensuite combinées pour l’analyse statistique. Enfin, ils recommandaient que les évaluations des procédures thérapeutiques basées sur la PNL ou sur  un traitement de comparaison, devaient être menées uniquement par des thérapeutes bien formés et ayant démontré leur maîtrise des procédures.

Sharpley répondit à Einspruch et Forman en 1987, dans le Journal of Counseling Psychology. En faisant l’écho à la critique d’Einspruch et Forman concernant la méthodologie utilisée dans les études, il se plaignait ainsi : « Il y a peu de chose qu’un chercheur puisse faire, toutefois, on ne peut évaluer une théorie qu’en testant sa véracité et la force des principes comportementaux détenues par les tenants de cette théorie » (1987, p. 103). Et pourtant c’est précisément là où les études échouent. Puisque les chercheurs n’avaient pas une formation suffisante en PNL, ils ont mal compris la nature du SRP et les CAO en tant que schémas et ont surévalué leur importance pour la PNL.

Puis Sharpley chercha à répondre aux critiques d’Einspruch et Forman concernant les études qui proclament que les clés d’accès oculaires (CAO) et l’illusoire SRP ne fonctionnent que pour les personnes qui sont droitières.  En effet dans son précédent compte rendu, Sharpley (1984) avait affirmé que tous les modèles ne s’appliquent qu’aux droitiers. En fait, cette mise en garde a été appliquée uniquement pour la répartition gauche-droite des CAO  (Bandler et Grinder, 1979). Pour montrer la superficialité de ses lectures, Sharpley désigne le diagramme des CAO (l’homoncule PNL) à la page 29 de « Frogs into Princes » comme s’appliquant uniquement au SRP. Une banale lecture de ce passage, montre pourtant que le graphique (diagramme des CAO) est positionné pour être utilisé dans le cadre d’un exercice d’identification des CAO dans un sens général, et non pour l’identification du SRP.

Deux autres critiques formulées par Einspruch et Forman sont étroitement liées. Elles concernent les moyens inappropriés d’accéder au SRP dans plusieurs études, et l’absence de réelle formation des thérapeutes sollicités pour l’étude. Comme on l’a noté précédemment, les CAO et SRP sont des schémas. Il ne s’agit pas de réponses simples, comme lever la main droite, mais de réponses relativement complexes qui exigent une certaine subtilité de la part du thérapeute qui veut les discerner. Les critiques d’Einspruch et Forman, soulignant la nécessité d’une formation sur l’identification de ces schémas, autrement que par la seule observation des mouvements oculaires, semble plus que raisonnable.

Après avoir passé en revue et rejeté les critiques d’Einspruch et Forman, Sharpley poursuit en montrant que la grande majorité des recherches réalisées  jusque là n’allaient pas dans le sens de la PNL. En fait, cette observation est juste. Mais surtout, cette observation oublie de mentionner le fait que peu d’étude, voire aucune, n’a  suivi les principes ou les pratiques de la PNL. La plupart des études semblent se fonder sur une lecture superficielle des publications disponibles et sur une mauvaise compréhension de l’idée centrale des schémas comme  nous l’avons expliqué précédemment. Einspruch et Forman, soulignent le fait que les résultats sont en grande partie hors sujet.                                                                                     
Enfin, Sharpley explique que si la PNL a une quelconque utilité, sa valeur provient de techniques issues d’autres sources. En termes de technique, il se rapproche finalement de la conclusion de la PNL et de ses fondateurs. En tant que technique essentiellement de modélisation de l’excellence, la PNL ne prétend pas à une originalité, en dehors de son processus de modélisation et de son aptitude à rendre ces processus transférables.

Pour résumer, Sharpley a une mauvaise compréhension de la PNL, tout comme les chercheurs qu’il cite. Si l’un d’entre eux avait eu une compréhension plus complète de la PNL, ces recherches auraient pu être très utiles, mais comme elles étaient basées sur une mauvaise compréhension et sur des interprétations erronées de la PNL, si tant est qu’elles soient innocentes, leurs conclusions sont sans valeur.

En 1987, peu de temps après le deuxième article de Sharpley (1987), Heap (1987) publia son travail,  qui couvrait plus ou moins le même sujet et qui faisait les mêmes erreurs. Comme Sharpley et ceux qui l’on précédé, il aborde le SRP comme principe fondateur de la théorie et de la pratique de la PNL. Bien qu’assez approfondie, l’étude de Heap n’apporte rien de nouveau et continue à examiner une conception erronée de la PNL.

Cette étude commence par l’observation d’Harris sur  la recherche en psychologie, qui présente bien souvent des biais, du fait de sa dépendance vis-à-vis de conclusions inexactes issues de recherches précédentes immortalisées par un milieu de pairs. L’étude montre également comment ce genre d’erreur provoque des résultats erronés, (Loannides, 2005 ; Simmons, Nelson, et Simonsohn, 2011). Nous avons déjà vu comment Sharpley, dès 1985, a souffert de cette même difficulté en prenant au pied de la lettre les fausses affirmations de ses informateurs ; cette tendance a été renforcée par Heap.

35 ans de recherche sur la PNL examinés par T. Witkowski

Un exemple significatif et plus récent se retrouve dans la tentative relativement objective de Witkowski (2010) d’évaluer l’état de la PNL en examinant trente-cinq ans de publications. Mais cette approche souffre également d’un problème de « téléphone arabe » intellectuel.

L’auteur présente, comme concept central de la PNL, le présupposé que « la carte n’est pas le territoire » et que les différentes perceptions sont formulées en termes d’interprétations personnelles des données sensorielles utilisant les cinq systèmes sensoriels de base (VAKOG). Il déclare ensuite que, comme ces systèmes le suggèrent, nous analysons tous la plupart des informations en utilisant un système représentatif primaire (SRP). Pour suivre l’exemple des meilleurs thérapeutes et travailler efficacement avec les patients, il serait nécessaire de calquer (synchroniser) leur SRP et être ainsi capable d’utiliser leur carte. (2010, p.4).

Witkowski affirme alors que non seulement le SRP est central mais qu’un second élément théorique crucial de la PNL réside dans l’observation des signaux oculaires, utilisés de prime abord pour accéder au SRP dans le but de guider efficacement toutes les autres interventions.

Selon Witkowki, les créateurs de la PNL furent particulièrement fiers d’avoir découvert que l’accès au système de représentation était possible grâce aux soi-disant signaux d’accès que sont les mouvements oculaires. L’observation minutieuse de ces mouvements devait permettre au thérapeute spécialisé en PNL d’identifier sans équivoque le SRP du patient ou de son interlocuteur, et faciliter ainsi l’adaptation (synchronisation) à leur SRP. Toutes les autres hypothèses liant le modèle PNL à l’apparition de troubles mentaux, aux types de thérapie et de communication, ont pour sources ces affirmations de base sur le SRP. (2010, p 4-5).

Il est important de noter que Witkowski a transformé le SRP en typologie, une erreur que même les premiers porte-paroles de la PNL prenaient soin d’éviter (Bandler et Grinder, 1975, 1979 ; Lewis et Pucelik, 1980). Einspruch et Forman (1985) caractérisent cette erreur comme une réification de l’idée, rendant inutile et dépourvu de sens son travail de recherche.

À partir de ces présuppositions, Witkowski s’engage dans un examen des 315 articles de travaux publiés sur la Programmation Neurolinguistique (http://www.nlp.de/cgi-bin/research/nlp-rdb.cgi) et compilés pendant 18 ans par un organisme international de chercheurs en PNL. Il fit ce choix afin de s’assurer que ses propres préjugés n’affectaient pas le choix des articles, mais aussi parce qu’il pensait que cette base de données fournirait un panel d’articles plus complet que ceux disponibles sur PsychLit, PsychInfo, MEDLINE ou sur d’autres bases de données académiques similaires.

Continuant son analyse qualitative, Witkowski la limita aux études publiées par les revues scientifiques les plus en vue. Il exclut donc tous les articles qui n’avaient pas été publiés dans la « Master Journal List of the Institute for Scientific Information in Philadelphia». Avec ce filtre, la liste fut réduite à 63 articles, soit 20% de la liste originale.

Ces 20% restant furent ensuite subdivisés en trois groupes d’articles : ceux qui évaluaient ce que Witkowsk considérait comme les principes de base de la PNL ou les hypothèses issues de ces principes de base, soit 33 articles ; ceux qui étaient centrés sur « les polémiques, les discussions, les études de cas »  ou d’autres éléments inutiles à la réalisation de son principal objectif de recherche, soit 14 articles ; et enfin les articles qu’il qualifia de hors sujet, soit 16 articles.

Des 315 articles initiaux, Witkowski n’examina que les seuls 33 de la première catégorie. Dans cet échantillon, il trouva neuf travaux allant dans le sens de ce qu’il pensait être les principes fondamentaux de la PNL ou des hypothèses qui en découlent, dix-huit articles ne corroborant pas ces principes fondamentaux et six articles n’allant ni dans un sens ni dans l’autre.

Mise à part le fait que sa compréhension des principes fondamentaux de la PNL était erronée, la méthodologie de Witkowski, qui consistait à passer en revue les publications disponibles, est plutôt exemplaire; mais du fait de sa mauvaise compréhension des principes fondamentaux de la PNL, son travail est  invalidé. Il énonce par souci d’équité des critères d’évaluation,  il cite une source qui peut être perçue comme favorable à la PNL (la base de données de recherches sur la PNL), il évalue les revues dans lesquels les articles ont été publiés en fonction de leur intégrité académique, puis il évalue les articles restant sur leur degré de pertinence par rapport à ses critères de recherche.

A un niveau qualitatif, trois des travaux allant dans le sens de la PNL ont été considérés comme méthodologiquement acceptables ; les études de Kinsbourne (1974) sur les mouvements oculaires et la latéralisation cérébrale, les recherches de Yapko (1981) sur le SRP et sa relation avec la profondeur hypnotique, et l’étude de Dooley et Farmer (1988) sur les différences de mouvements oculaires entre des sujets aphasiques ou normaux. Les études restantes furent considérées avec raison comme peu pertinentes, du fait de leur provenance, c’est-à-dire  des résultats généraux issus de formations intensives de 21 jours en PNL ; et/ou du fait de l’absence d’études contrôlées.

Witkowski passa systématiquement en revue les dix-huit articles qui rapportaient des résultats n’allant pas dans le sens de la PNL. Il commença par les études de Thomason, Arbuckle et Cady (1980), Farmer, Rooney et Cunningham (1985), Poffel et Cross (1985) et Burke et autres (2003), des études qui toutes ont cherché une corrélation entre les mouvements oculaires et les soit disant accès sensoriel. Witkowski signale que toutes les études apportent des résultats négatifs de façon non équivoque (p 13).

Un examen montre que la plupart des articles prennent pour hypothèse de départ que les instructions externes ou les tâches spécifiques conçues pour l’étude, sont de nature à produire inévitablement les effets observés par la PNL. En méconnaissant l’idée que les CAO de la PNL, tels qu’ils sont décrits dans les publications sur la PNL, sont généralement décrits comme l’expression d’une gestalt de communications plus large. Puisque ces résultats négatifs ne reflètent pas le contexte dans lequel la PNL prévoit leur survenue, les conclusions sont pour le moins douteuses. De plus, comme personne n’a jamais prétendu que les CAO étaient fondamentaux pour la PNL, l’impact de la recherche sur ces observations est de l’ordre de l’incertain.

Un tournant intéressant, qui résulte de cette première série d’analyses, est l’observation de Burke et coll. (2003). Une observation qui ne porte pas sur la position réelle de la PNL. Si Burke et Coll ne trouvent aucune preuve concernant l’existence du SRP, ils montrent qu’il existe des preuves que les signaux d’accès oculaires changent en fonction du sujet. Deux autres études (Gumm, Walker et Day, 1982 ; Coe et Scharcoff, 1985), conçues pour examiner la validité présumée du SRP n’ont pas réussi à confirmer son existence. Witkowski conclut encore de façon erronée que ces études ne soutiennent pas la « théorie » de la PNL.

Passant à des recherches plus complexes, Witkowski présente les résultats de Fromme et Daniell (1984), d’Elich, Thompson et Miller (1985) et de Graunke et Roberts (1985).

Fromme et Daniell (1984) ont conçu une série de tâches destinées à évaluer le SRP. Mais comme ces tâches sont pleines de contradictions linguistiques, les résultats qu’ils produisent sont aussi prévisibles que la naïveté de leurs méthodes. Dans une série d’expériences qui dépendaient étroitement de processus visuels d’information, ils ont découvert qu’aucune de leurs prédictions ne se sont avérées justes. Malgré l’intention des chercheurs d’évaluer les différents systèmes de représentation, on observe d’une manière générale qu’ils réussissent à réduire bien involontairement chaque tâche à une tâche visuelle. Leur conclusion sur la non existence du SRP n’est donc pas surprenante. Et comme cette notion de SRP était supposée être fondamentale pour la PNL, ils ont également rejeté la PNL.  

En passant en revue leurs résultats, il est évident une fois de plus, que la théorie examinée était fausse : la PNL ne postule aucunement que le SRP soit un principe fondamental. Si l’on examine les tâches expérimentales, il apparaît qu’elles se fondent toutes sur un exercice de visualisation très complexe. Dans chaque sous-ensemble de cette tâche, on peut s’attendre raisonnablement à ce que la représentation sensorielle dominante soit visuelle, malgré les efforts des auteurs à évoquer d’autres modalités.

Dans l’expérience suivante, les auteurs ont soit disant déterminé un SRP pour chaque sujet et, en se basant sur ces découvertes, ils ont soumis les sujets à deux tests. Le premier test consistait à déterminer si les sujets « Visualiseurs rapides » communiquaient l’information visuelle de manière plus efficace que les sujets « Visualiseurs lents » (ce qui fût le cas). Le deuxième test vérifiait si les sujets choisissaient des expressions verbales alignées avec leur prétendu SRP (ce qui ne fût pas le cas). Une critique méthodologique est présentée dans la revue de Gray, Liotta, Wake & Cheal (2012).

Puis Witkowski se tourne vers les travaux d’Elich, Thompson et Miller (1985). L’étude d’Elich est présentée par Witkowski comme une évaluation de l’hypothèse que les mouvements oculaires et les prédicats parlés pouvaient refléter la modalité sensorielle de l’imagerie (mentale). Un examen de l’article (Elich et autres, 1985) montre en fait que le but de l’évaluation était de tester l’hypothèse du SRP. Les auteurs ont cherché à déterminer le SRP en recherchant une correspondance entre les mouvements oculaires et les prédicats. Ils ont fait appel à des examinateurs entraînés (mais peut-être mal formés) pour évaluer des enregistrements des mouvements oculaires et des évaluations standardisées des modalités sensorielles verbales de l’expérience. L’expérience semble être bien conçue en dépit de quelques sérieuses questions conceptuelles et procédurales (l’odorat est identifié comme un sens kinesthésique et bien que les examinateurs aient été formés à l’identification des CAO, peu d’informations sont disponibles sur la façon dont ils ont été formés). Les auteurs reconnaissent que l’utilisation du mot « imagerie » tout au long  de l’étude a pu polariser les résultats vers une modalité visuelle et que la difficulté de différenciation entre la fixation oculaire conversationnelle et celle connotant une CAO rendait la notation problématique. Ils n’ont pas réussi à confirmer, l’un comme l’autre, les relations entre les mouvements oculaires et les prédicats, et ont de plus constaté qu’une telle relation ne permettait pas d’identifier sérieusement un SRP. Même si l’étude ne confirme pas l’hypothèse de l’évaluation fiable d’un SRP par la relation entre mouvements oculaires et prédicats (comme elle aurait dû), la conclusion faite par les auteurs est surprenante car beaucoup plus en lien avec la position réelle de la PNL qu’avec celle des critiques scientifiques :

Une grande partie du problème vient du concept de SRP. Il ressort clairement des recherches effectuées au cours des dernières années que le concept de SRP est aussi glissant et évasif qu’un cochon graissé dans une foire de campagne. Dorn, Brunson et Atwater (1983) et Sharpley (1984) ont conclu que (a) il n’existe pas de méthode fiable pour l’évaluation d’un SRP, (b) un SRP peut changer au fil du temps, (c) il n’est même pas certain qu’un SRP puisse exister, et (d) que si un SRP existe vraiment il se peut qu’il reflète simplement le style de langage actuel, et nous pourrions ajouter que le SRP peut être fortement influencé par le langage (1985, p. 624-5).

Witkwoski examine alors l’étude de Graunke et Roberts (1985) sur le SRP et semble en déformer les résultats de manière significative. Graunke et Roberts se sont attelés à l’examen de la variabilité des modalités sensorielles en fonction du contexte. S’ils ont rejeté le SRP, leur attention s’est focalisée sur quelque chose qui est plus cohérent avec la position réelle de la PNL selon laquelle l’utilisation des modalités sensorielles change avec le contexte. Selon les propos Graunke et Roberts :

Le but principal de cette étude était d’examiner l’impact de diverses instructions visuelles sur l’utilisation individuelle des prédicats sensoriels. Le but spécifique était d’examiner si les femmes volontaires changeaient de manière significative l’utilisation de leurs prédicats sensoriels au cours de tâches d’imagination. Les résultats de cette étude indiquaient que la plupart des sujets étaient de type auditif pendant les tâches de représentations auditives et de type kinesthésique lors des tâches de représentations kinesthésiques. Ainsi, les participants à cette étude pouvaient changer leur utilisation des prédicats sensoriels selon le contexte situationnel ou les exigences requises par les tâches demandées. (1985, p. 529)

Pour finir, Witkowski se retourne vers plusieurs revues de la littérature. Il cite les deux revues de Sharpley (1984, 1987) et la réponse d’Einspruch et Forman (1985) à Sharpley. Nous avons déjà examiné les travaux de Sharpley en long et en large et nous en avons déduit que ces études étaient mal renseignées et reposaient sur des présuppositions qui n’existent pas en PNL.  

Pour résumer, les recherches sérieuses et publiées sur la validité de la PNL semblent caractérisées par une série de mauvaises compréhensions datant des débuts de la PNL, et par les interprétations initiales erronées des auteurs (cités plus hauts). Les revues publiées sur la PNL se positionnent majoritairement contre celle-ci, mais pour de mauvaises raisons, car les travaux cités n’ont jamais évalué la PNL en elle-même, restant figés sur leur propre représentation de la PNL. Tel que Witowski argumente avec habilité: « Argumenta ponderantur, non numerantur – la force des arguments tient à leur poids, non à leur nombre » (p.12). On pourrait suggérer que les arguments devraient être pesés, et non comptés.

De l’utilité de vérifier les présupposés en recherche scientifique

Cet article a cherché à passer en revue les graves critiques scientifiques portées à l’encontre de la PNL. Les études les plus citées ont été entachées d’une répétition d’erreurs d’interprétations des faits. La première des erreurs se trouve dans l’hypothèse concernant les principes de base de la PNL. La plupart des études furent basées sur l’idée que la PNL reposait sur la validité du SRP – considéré comme une construction fondamentale du champ de la PNL – et son évaluation à partir des CAO et des prédicats conversationnels. Ces interprétations qui étaient fausses à l’époque des premières recherches, le restent aujourd’hui. Ces publications ont donné lieu à une accumulation de découvertes erronées concernant la validité théorique de la PNL. La deuxième erreur semble être une confiance exagérée envers les résultats des premiers travaux sur la PNL, et le présupposé que ces recherches avaient évalué les réelles revendications de la PNL. Un grand nombre de ces études n’ont pas investigué la PNL avec le recul nécessaire pour comprendre ce qui lui était ou n’était pas central, tandis que d’autres études se sont simplement basées sur les conclusions des chercheurs précédents. Ces problèmes auraient pu être prévenus par une formation appropriée à la PNL, ou si les auteurs avaient vérifié leurs compréhensions du champ de la PNL avec ses initiateurs (Grinder et Bandler) ou avec ses principaux interprètes. Une troisième erreur, due en particulier à Witkowski, est le présupposé que des journaux réputés constituent toujours une source d’informations valables. Dans le cas de la PNL, des éditeurs fiables et respectés ont autorisé des travaux comportant une méthodologie correcte mais basé sur des principes erronés du domaine étudié. La méthode scientifique a certes une grande valeur, mais seulement lorsqu’elle repose sur une représentation correcte des principes qu’elle étudie.
Cet article suggère que des journaux responsables pourraient instituer une politique éditoriale qui ferait appel au recrutement d’experts des domaines en question, en prêtant une attention particulière à l’obtention de critiques qualifiées dans les domaines considérés comme émergents ou en dehors de la culture ambiante.
Chaque chercheur a la responsabilité de vérifier, pour tous les travaux de recherche qu’il cite, la validité de ses présuppositions et de ses découvertes. Comme nous l’avons montré dans cet article, cette vérification a fait cruellement défaut dans toutes les recherches citées : personne n’a vérifié, à partir  d’une source bien informée, que leurs présuppositions étaient valides. Ce défaut se retrouve cependant dans de nombreuses études. Comme l’indiquent Anderson et Devries (2005), 12,8% des chercheurs interviewés ont reconnu avoir utilisé des interprétations contestables des données.

Traduction : Pierre Sarazin et Jean Luc Monsempès

Richard-Gray-NLPSources : ” 35 Years Revisited: Conceptual Errors in Scientific Inquiry, a Case Study” Richard M. Gray, School of Criminal Justice and Legal Studies, Fairleigh Dickinson University.

 

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