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Les Niveaux Neuro-Logiques et le système nerveux, un article de Robert Dilts

En 1988, j’ai mis sous la forme des « niveaux neuro-logiques », ce concept qui lie les niveaux de processus de Bateson avec le système nerveux. Bateson (dans Vers une écologie de l’Esprit) déclarait que nous pouvions nous attendre à trouver – devions trouver – « dans le cerveau télencéphale» (la partie la plus récente du cerveau qui inclut le cortex) une hiérarchie composée des différents niveaux d’apprentissage qui correspondrait aux « hiérarchies dans la structuration des circuits ». Puis il poursuivait en disant : « Nous pouvons espérer que la classification ou la hiérarchie des structures neurophysiologiques sera isomorphe à la [structure des] niveaux d’apprentissage ». Le concept des niveaux neuro-logiques propose que chacun des différents « niveaux logiques » soit considéré comme fonction d’un type différent d’organisation neurologique, et qu’ensemble ils mobilisent des circuits neurologiques progressivement plus profonds.

Les Niveaux Neuro-Logiques et le système nerveux

Le niveau de neurologie mobilisé lorsqu’une personne reçoit un challenge au niveau de la mission et de l’identité est remarquablement plus profond que le niveau engagé lorsque la même personne bouge la main. Pour avoir une expérience de son environnement, une personne a la possibilité d’ajuster passivement ses organes sensoriels ; mais pour effectuer une action dans un environnement spécifique, la proportion du système nerveux mobilisé est plus grande. Pour coordonner ses actions à l’intérieur d’une séquence complexe telle que danser ou conduire une voiture, la proportion du système nerveux utilisé augmente encore. Pour mettre en place et manifester des croyances et valeurs qui touchent aux capacités, aux comportements et à l’environnement, il faut que le niveau d’engagement de la neurologie soit encore plus profond (incluant celles qui touchent le « coeur» ou les « tripes »). Le sens de son propre « soi » émerge d’une mobilisation totale du système nerveux sur tous les autres niveaux. Le principe généralisateur est le suivant : plus le niveau est élevé, plus l’engagement du système nerveux est profond.

Un environnement spécifique est composé de facteurs tels que le cadre externe, les conditions météorologiques, la nourriture, le niveau sonore, etc., qui entourent un individu ou un groupe. Neurologiquement parlant, nos perceptions de l’environnement sont en rapport avec des informations qui nous arrivent à travers nos organes sensoriels et notre système nerveux périphérique. Pour percevoir un environnement spécifique un individu le regarde avec ses yeux pour voir tout objet approprié, il écoute avec ses oreilles pour entendre des sons significatifs, il sent avec son nez les odeurs, et il sent la température de l’air avec sa peau. Cette personne va aussi faire de nombreux ajustements subtils et inconscients en même temps pour maintenir son équilibre, s’adapter réagir aux changements d’intensité de la lumière et du son, s’acclimater aux changements de température, etc. Ainsi le rôle du système nerveux périphérique est de transmettre au cerveau les informations sur l’environnement. Il est responsable de la production de sensations et de réactions purement réflexes.

Les comportements ont à voir avec les actions et réactions physiques à travers lesquelles nous interagissons avec les personnes et avec l’environnement qui nous entoure. Neurologiquement, notre comportement externe est le résultat d’activités dans nos systèmes moteurs (le système pyramidal et le cervelet). Les comportements non réflexes impliquent le système psychomoteur, qui se trouve à un niveau de neurologie plus profond que celui des organes sensoriels. Le système psychomoteur coordonne nos actions physiques et nos mouvements conscients.

Les capacités sont en rapport avec les stratégies et les cartes mentales développées avec le but de guider des comportements spécifiques. Alors que certains de nos comportements sont de simples réflexes face aux stimuli de l’environnement, la plupart de nos actions n’en font pas partie. De nombreux comportements proviennent des « cartes mentales » et autres processus internes dont la source se trouve au coeur de notre esprit. Ceci représente un niveau d’expérience qui dépasse nos perceptions immédiates de l’environnement. Il est tout à fait possible, par exemple, de fabriquer des images de choses qui n’ont rien à voir avec la pièce dans laquelle on se trouve. On peut se souvenir de conversations et d’évènements qui ont eu lieu des années plus tôt. On peut imaginer des événements qui peuvent arriver dans le futur. Les comportements sans carte, plan ou stratégie interne ressemblent à des réactions brusques, des habitudes ou des rituels. Au niveau « capacité» nous pouvons sélectionner, changer et adapter toute une catégorie de comportements face à un ensemble plus grand de situations externes, Ainsi, le terme « capacité» implique la maîtrise de toute une catégorie de comportements, c’est-à-dire savoir comment faire quelque chose sous une variété de conditions. Neurologiquement, le développement des capacités cognitives représente une fonction des processus de niveau plus élevé dans le cortex. C’est dans le cortex (ou la matière grise) que l’information sensorielle se présente sous forme de cartes mentales, associée à d’autres représentations mentales, ou rassemblée dans notre imaginaire. Ce type de processus s’accompagne habituellement de micro mouvements semi conscients, ou  « d’indices d’accès» (mouvements oculaires, changements de respiration, ajustements posturaux minimaux, changement de ton de voix, etc.)

Les valeurs et croyances sont en rapport avec des jugements fondamentaux et des évaluations sur nous-mêmes, sur les autres et sur le monde qui nous entoure. Elles déterminent la manière dont des événements peuvent se doter de sens, et se trouvent au coeur de la culture et de la motivation. Nos valeurs et croyances sont la source du renforcement (par la motivation et la permission) qui soutient ou inhibe certaines de nos capacités et certains comportements. Les croyances et les valeurs répondent à la question « Pourquoi ? ».

Neurologiquement, les croyances sont liées au système limbique et à l’hypothalamus dans le mésencéphale. On a découvert que le système limbique est relié à nos émotions ainsi qu’à la mémoire à long terme. Alors que sa structure est majoritairement plus « primitive» que celle du cortex, le système limbique sert à intégrer les informations du cortex et à réguler le système nerveux autonome (qui contrôle les fonctionnements corporels de base tels que les battements du coeur, la température du corps, la dilatation des pupilles, etc.). Les croyances, issues de structures plus profondes du cerveau, produisent des changements dans les fonctions physiologiques fondamentales qui sont responsables de la plupart de nos réactions inconscientes. Effectivement, un moyen pour la croyance de se manifester est à travers les réactions physiologiques qu’elle déclenche (et que l’on ne peut pas normalement produire volontairement) : notre coeur qui «bat plus fort », notre sang, la chair de poule. Le polygraphe est conçu pour détecter ce genre de réactions et savoir si une personne est en train de “mentir “, car les gens manifestent une réaction physique différente quand ils ne sont pas congruents selon s’ils croient ou non à ce qu’ils disent.

C’est la connexion indissociable entre les croyances et les fonctions physiologiques plus profondes qui crée, également, la possibilité de l’influence majeure qu’elles exercent dans les domaines de la santé et de la guérison (comme le témoigne l’effet placebo). Les attentes générées par nos croyances touchent à notre neurologie profonde, et elles produisent ainsi parfois des effets physiologiques spectaculaires – comme la femme qui, ayant adopté un bébé et croyant que « Les mères sont supposées allaiter leur bébé », se met à produire du lait en quantité suffisante pour nourrir son bébé adoptif au sein !

Le niveau « Identité» se rapporte à notre sentiment de “qui nous sommes”. C’est la perception de notre identité qui organise nos croyances, nos capacités et nos comportements à l’intérieur d’un seul système. Le sens de notre identité touche aussi à la perception de nous-mêmes par rapport aux systèmes plus grands que nous dont nous faisons partie, déterminant ainsi notre perception des « rôles », du « but» et de la « mission ». Au sein de la neurologie, notre identité est liée au système nerveux tout entier, et implique fort probablement des structures profondes du cerveau comme la formation réticulaire. Celle-ci est composée d’un groupe de cellules se situant au fond de la souche. Des fibres relient, via les noyaux thalamiques, la formation réticulaire aux grands domaines associatifs du cortex. La formation réticulaire régule notre état d’éveil ; si jamais elle est endommagée ou détruite au niveau du cervelet, nous tombons dans le coma.

Il existe également une relation physiologique entre l’identité et les fonctions de maintien profond de la vie, tel le système immunitaire et le système endocrinien. Ainsi, un changement ou une transformation au niveau de l’identité peut se traduire par un effet considérable et instantané au niveau de la physiologie. Des recherches sur les personnalités multiples (Putnam, 1984) indiquent des changements remarquables et spectaculaires lorsqu’un individu bascule soudain d’une identité à une autre. Ainsi, les patterns des ondes du cerveau sont complètement distincts en fonction de la personnalité. Certaines personnes aux multiples personnalités voyagent avec plusieurs paires de lunettes différentes, car leur vision change selon l’identité qu’ils endossent. D’autres souffrent d’allergies par rapport à une certaine personnalité, mais pas dans une autre. Un des exemples les plus intéressants de changements physiologiques concerne cette femme diagnostiquée diabétique puis hospitalisée et qui, lorsque sa personnalité “non diabétique” dominait, ne montrait aucun signe de la maladie, ce qui déconcertait les médecins. (Goleman, 1985).

L’expérience du niveau spirituel est liée à notre sentiment de faire partie de quelque chose à un niveau très profond, quelque chose au-delà de nous. C’est la conscience et l’expérience de ce que Gregory Bateson appelait le “pattern qui connecte” toutes choses en un tout plus grand. En tant qu’individu, nous sommes un sous-ensemble de ce système plus large. Notre expérience à ce niveau est liée à la conscience de notre but dans la vie, de notre mission. C’est la réponse aux questions « Pour qui ? » et « Pour quelle raison ? »  Ce niveau correspond, je crois, à celui que Bateson indiquait en se référant à l’Apprentissage IV.

Neurologiquement, les processus du niveau spirituel désignent un type de « champ relationnel » entre notre propre système nerveux et celui des autres, et formant une sorte de système nerveux plus grand et collectif. Les résultats de ce champ d’interactions sont quelquefois désignés sous le nom de « cerveau groupal », « d’esprit de groupe», ou de « conscience collective». Ce champ inclut aussi les « systèmes nerveux » ou « réseaux de traitement d’informations » d’autres créatures et entités, et même de notre environnement.

Comme l’a décrit Bateson : Le cerveau individuel est immanent mais pas seulement à l’intérieur du corps. Il est immanent dans les cheminements et les messages en dehors du corps ; et il existe un Esprit plus grand dont l’esprit individuel n’est qu’un sous-ensemble. Cet Esprit plus grand est comparable à Dieu, et constitue peut-être ce que les gens veulent dire par « Dieu», mais il reste immanent dans la totalité du système social interconnecté et de l’écologie planétaire.
(Vers une écologie de l’Esprit, 1972)

Des hypothèses ont été avancées comme quoi ce niveau de processus et de changement influence notre environnement et nous-mêmes à travers ce que Rupert Sheldrake a appelé des “champs morpho génétiques “. On s’en sert souvent pour expliquer des phénomènes qui comportent des actions exécutées à distance, comme la guérison par la prière ou les effets du « centième singe ». Ce sont des situations dans lesquelles un changement dans une partie de la population stimule un changement chez un autre membre, ou chez la totalité du groupe, sans contact physique direct.

Pour résumer, les Niveaux Neuro-Logiques sont composés de la hiérarchie suivante de structures neurophysiologiques :

Spirituel : holographique – des systèmes nerveux individuels qui se combinent pour former un système plus grand.

  1. Identité : le système immunitaire et le système endocrinien – Le système nerveux dans son intégralité, avec les fonctions profondes de maintien de vie (par exemple, le système réticulaire).
  2. Croyances/Valeurs : les systèmes limbique et autonomique de contrôle (par exemple les battements du cœur, la dilation des pupilles, etc.) – Les réactions inconscientes,
  3. Capacités : les systèmes corticaux – Les actions semi-conscientes (mouvements oculaires, la posture, etc.)
  4. Comportements : le système moteur (pyramidal et cervelet) – Les actions conscientes,
  5. Environnement : le système nerveux périphérique – Les sensations et les réflexes.

Les premiers livres parus mentionnant les Niveaux Logiques ainsi formulés sont Changer les Systèmes de Croyances avec la PNL et Croyance et Santé, tous deux publiés en 1990.

Le développement et l’enrichissement du modèle des Niveaux Logiques se sont poursuivis. Ce modèle forme actuellement la base de plusieurs processus et techniques PLN. Je projette de publier un article approfondi sur l’histoire des Niveaux Logiques et la relation du modèle avec la Théorie des Ensembles, la Théorie des Groupes en Mathématiques, les niveaux hiérarchiques, les niveaux d’abstraction, les types logiques, la notion du « Holon » d’Arthur Koestler (utilisée par Ken Wilber) et le simple « morcellement» (« chunking » en anglais).

Robert Dilts

Sources : extrait de l’ouvrage «Etre Coach de la recherche de la performance à l’éveil »  InterEditions-Dunod Paris 2008 

Une brève histoire des niveaux logiques (1ère partie)
Une brève histoire des niveaux logiques (2ème partie)
Une brève histoire des niveaux logiques (3ème partie)

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