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Extrait du livre « Eduquer avec le sourire » de Marion Sarazin (DUNOD)

Marion Sarazin est une enseignante en PNL et l’auteur de plusieurs articles sur l’éducation et sur les positions de perception. “ Intention positive et bénéfice secondaire selon la PNL“, ” Nouvel éclairage sur les positions de perception ”  “Réussir l’éducation de nos enfants ” Dans on dernier ouvrage ” Eduquer avec le sourire ” publié en mars 2017 chez Dunod, Marion Sarazin présente un chapitre sur les applications des positions de perception, un outil issus de la programmation neuro-linguistique (PNL) à l’éducation des enfants. Cet extrait est publié avec l’accord de l’éditeur. 
Il existe plusieurs façons de percevoir une même réalité, plusieurs positions de perception possibles. Pour vous aider dans l’éducation de vos enfants, voici une présentation de comment, selon moi, les enfants ont accès aux différentes positions de perception en fonction de leurs stades de développement.

La première position de perception chez l’enfant

La première position consiste à percevoir le monde et à interpréter les informations perçues uniquement de votre point de vue. Lorsque vous vous mettez dans cette position, ce que vous voyez, entendez, ressentez et ce que vous croyez et valorisez sont les seules sources d’information que vous prenez en compte pour agir, vous affirmer, prendre des décisions, vous fixer des objectifs, porter des jugements, etc.

Chez les jeunes enfants, la première position est particulièrement développée. De nombreux psychologues ont parlé de l’égocentrisme naturel de l’enfant. Margaret Mahler (1897-1995)[1], psychiatre et psychanalyste américaine, dans la lignée d’Anna Freud, appelle « stade autistique » la période qui s’étend de la naissance à 1 mois ! C’est un stade de narcissisme extraordinaire où le nourrisson ne sait pas se distinguer du monde qui l’entoure : il est le monde[2]. Ce stade est suivi par « le stade symbiotique » qui s’étend de 2 à 3 ou 4 mois, où le bébé expérimente ses propres activités et sentiments, mais comme faisant partie des activités de sa mère. En retour, les activités de sa mère sont expérimentées comme les siennes. La mère et l’enfant forment pour lui un système tout-puissant, une entité duale. Il a l’illusion d’une fusion omnipotente avec sa mère. Puis, progressivement, de 4 mois à 2 ans, l’enfant se différencie de sa mère et développe un sens de sa propre personne. Jean Piaget (1896-1980)[3], biologiste, psychologue et épistémologue suisse, décrit le stade de « la pensée pré-opérationnelle » qui s’étend de 2 à 7 ans, comme un stade d’égocentrisme intellectuel. La raison y est dominée par la perception subjective. L’enfant est incapable de s’imaginer par exemple à quoi un objet peut ressembler s’il est regardé par un autre côté (par au-dessus, en dessous, etc.). Il a tendance à injecter ses propres valeurs dans une situation et il a du mal à être objectif.

C’est le phénomène que les psychologues appellent « la pensée magique des enfants ». Ainsi il arrive qu’un enfant souhaite du mal à son petit frère quand il est en colère contre lui. Si par malheur ce mal arrive, il pensera que c’est lui qui l’a provoqué. Par exemple, il est persuadé que le divorce de ses parents est de sa faute. C’est pourquoi il est important d’expliquer à l’enfant qu’il n’est pas tout-puissant, que sa pensée ne « tue pas ». Pour prendre un exemple beaucoup plus léger, l’égocentrisme s’exprime aussi lorsqu’un enfant ferme les yeux et dit : « Maintenant, tu ne peux pas me voir » !

Du fait de cette extension de leur ego, les enfants ont du mal à se construire des frontières, c’est-à-dire à définir une ligne de démarcation entre eux et les autres. C’est le rôle des parents de les aider à le faire. En effet, les enfants sont souvent confrontés à des situations où les adultes ont des émotions fortes. Prenons l’exemple d’un enfant de 5 ans dont la mère est énervée pour une raison extérieure à lui. L’enfant n’est pas capable de se dire : « Ma mère est énervée. Peut-être s’est-elle disputée avec mon père ? » Il se dit : « Ma mère est énervée : c’est le signe que quelque chose ne va pas chez moi ». Ses parents peuvent l’aider en expliquant : « Je suis en colère, je n’aurai pas dû te parler avec ce ton. Ce n’est pas toi qui es la cause de ma colère. Toi et moi, nous sommes différents. Et tu as le droit d’être différent de moi ». La construction des frontières est un processus de maturation.

Françoise Dolto (1908-1988)[4], pédiatre et psychanalyste française, disait que le bébé est une personne et conseillait de lui expliquer les soins que vous lui faites. Mais si vous ne l’avez pas fait, ne vous inquiétez pas : il n’est jamais trop tard pour commencer à expliquer. Même à l’âge adulte, certaines choses que peuvent nous dire nos parents peuvent tout débloquer !

Éducation des enfants et première position

Trop souvent on a tendance à considérer qu’éduquer un enfant consiste essentiellement à lui apprendre que les autres existent, ce qui revient à développer d’abord sa capacité à se mettre à la place des autres (c’est-à-dire à développer sa capacité à être en deuxième position). De mon point de vue, l’éducation de l’enfant consiste en premier lieu à l’aider à établir une « juste » première position : faire tout ce qui est possible pour que l’enfant se constitue un sens de soi juste, c’est-à-dire ni infatué ni exsangue. Ainsi, vous ne voulez pas que votre enfant se vante ou se rabaisse de façon excessive ou inopportune. Vous voulez que votre enfant ait un juste sens de sa valeur et de ses capacités. Cela consiste à renforcer sa confiance en soi, pointer ce qu’il y a de meilleur en lui, lui montrer en quoi il est unique et spécial.. Cela consiste aussi à lui faire comprendre qu’il n’a pas besoin de se mettre en compétition avec ses frères et sœurs, car chacun a une valeur intrinsèque ainsi qu’à clarifier la place de chacun dans la famille.

La seconde position de perception chez l’enfant

La seconde position consiste à se mettre à la place de l’autre : « dans ses chaussures ». Dans cette position, vous voyez, entendez et ressentez le monde comme si vous étiez l’autre. Vous adoptez ses croyances et valeurs.

La seconde position se manifeste par trois capacités chez l’enfant : la capacité d’imitation, celle d’empathie et celle d’altruisme.

L’imitation

L’imitation est la capacité qui permet l’apprentissage chez l’enfant. Elle est très développée. Andrew Meltzoff (1950), psychologue américain et Keith Moore[5] ont révolutionné le champ de la psychologie en démontrant que des nouveau-nés pouvaient copier une autre personne en utilisant une partie de leur propre corps qu’ils n’ont jamais vue. Par exemple, ils sont capables de reproduire des mimiques réalisées par un visage adulte devant eux, comme tirer la langue ou ouvrir la bouche.

L’empathie

La capacité à l’empathie apparaît, elle, dès la naissance comme le montre la contagion des pleurs des bébés dans les maternités. L’Américain Daniel Goleman (1946.)[6], docteur en psychologie enseignant à Harvard, souligne que : « quelques mois après leur naissance, les bébés réagissent au trouble ressenti par leurs proches comme s’ils les éprouvaient eux-mêmes » Il s’agit d’une sorte de mimétisme moteur qui ne disparaît que vers deux ans et demi lorsque l’enfant commence à savoir se différencier des autres. En effet, le nouveau-né et l’enfant disposent comme l’adulte de neurones miroirs et de neurones fuseaux.

Les neurones miroirs

Les recherches sur les singes de Giacomo Rizzolatti (1937)[7], médecin et biologiste italien, à l’université de Parme dans les années 1990, ont permis d’identifier, chez l’homme depuis sa naissance, une catégorie de neurones appelés « neurones miroirs ». Ces neurones ont la capacité de s’activer aussi bien lorsque celui-ci exécute une action que lorsqu’il observe une autre personne exécuter la même action. Pour un grand nombre de scientifiques, ces neurones permettent à l’homme de percevoir et reconnaître les émotions d’autrui. Ils sont considérés comme une découverte majeure en neurosciences, car ils expliquent la capacité d’empathie de l’homme.

Les scientifiques ont aussi découvert les neurones en fuseaux qui sont aussi importants que les neurones miroirs. Ils sont leurs coéquipiers. Ce sont eux qui nous permettent de « décoder » les expressions du visage et d’avoir une réponse quasi instinctive à l’autre du genre : « oh, cette personne, je ne peux pas la sentir (ou le contraire) ». On les appelle parfois les neurones de l’instinct et aussi les neurones de l’amour.« Ils mettent en branle des processus archaïques qui se déroulent hors de toute conscience à la vitesse éclair d’un réflexe ».[8]          

L’altruisme

En 2006, Félix Warneken, chercheur allemand en psychologie à l’Institut Max Planck démontre que la capacité d’altruisme existe chez l’enfant dès 18 mois :

« Que le scientifique fasse tomber des pinces à linge, renverse des étagères de livres ou égare à dessein le crayon feutre avec lequel il s’apprêtait à écrire, et chacun des 24 tout-petits inclus dans l’expérience s’empressait de lui venir en aide, et ce en une fraction de seconde, sans que l’adulte ne les remercie ni ne les récompense. Mais uniquement s’il donnait l’impression d’avoir besoin de cette aide. »[9]

Ainsi la capacité de se mettre en seconde position commence tôt. L’âge exact est un sujet de débat. Mais on peut dire que ces aptitudes naturelles relationnelles existent dès la naissance, comme un potentiel qui ne demande qu’à s’exprimer à certaines conditions que j’évoque dans les paragraphes qui suivent.

Éducation des enfants et seconde position

La condition est que le petit ait reçu suffisamment de preuve d’affection de la part d’une autre personne : sa mère ou toute autre personne qui s’occupe de lui. Lorsque celle-ci le caresse ou le tient dans ses bras, elle crée le lien affectif d’attachement. Donald Winnicott écrit que le fait de tenir son nourrisson dans ses bras « est peut-être la seule façon dont une mère dispose pour lui montrer son amour ». Il cherche à rassurer la femme qui s’inquiète d’être une bonne mère en affirmant que, pour lui, la mère est en règle générale « suffisamment bonne ». Il pense qu’une mère sait instinctivement donner au bébé les soins nécessaires pour qu’il se développe au mieux, tout en insistant sur l’importance de ces soins[10].

Dans la lignée de Winnicott, John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais, développe la théorie de l’attachement. Il explique qu’un jeune enfant a besoin de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et continue, pour connaître un développement social et émotionnel normal. Pour lui, cette relation s’établit également grâce aux contacts physiques. Les tests faits en isolant les enfants ont toujours des effets catastrophiques. On constate même que, chez les enfants qui sont délaissés par leurs parents, la carence affective va provoquer rapidement des atrophies de parties du système neuronal, affectant leurs capacités motrices, cognitives et émotionnelles. Néanmoins du fait de la plasticité du cerveau, si on remet un tel enfant en relation avec une personne qui lui donne de l’affection, il reprendra son développement (voir aussi chapitre 7 sur l’importance du toucher et sur le syndrome de l’hospitalisme de Spitz). Daniel Goleman[11] souligne lui aussi « l’influence des parents sur la compétence émotionnelle des enfants ». La façon dont ils traitent les enfants : « leur sévérité ou leur compréhension, leur indifférence ou leur affection » et également la façon dont eux-mêmes expriment leurs sentiments ainsi que la façon dont ils accueillent les émotions de leurs enfants « a des conséquences profondes et durables dans leur vie émotionnelle ».

Tous les neuroscientifiques semblent s’accorder sur un point : notre cerveau ne peut fonctionner seul. La présence d’autrui dans notre vie, une personne qui nous donne des preuves de son amour, la présence d’une personne à imiter, d’une personne avec laquelle communiquer est essentiel au bon développement de l’être humain. Boris Cyrulnik affirme : « il est certain qu’un cerveau seul ne fonctionne pas. Il lui faut au moins un autre cerveau pour se développer[12]. » D’une façon générale, on peut donc dire que, pour un grand nombre de chercheurs, plus l’enfant vivra des expériences d’empathie, plus il sera capable de devenir sociable et moins il aura des comportements agressifs et antisociaux. Ainsi, manifester de l’affection à son enfant est la première façon de développer la disposition naturelle de l’enfant à l’empathie et à l’altruisme.

Il existe une autre façon pour les parents de renforcer chez l’enfant la capacité à tenir compte de l’autre : le sensibiliser à l’impact de ses actions chez autrui. Les parents le font en montrant à leurs enfants les conséquences de leurs actes et en particulier les liens de cause à effet entre leurs actions et la détresse, la souffrance ou le désagrément d’autrui. C’est fondamental pour la socialisation de l’enfant. Je pense toutefois qu’il est important que ce volet de l’éducation ne soit pas l’unique attention du parent. Éduquer un enfant, ce n’est pas uniquement lui enseigner les règles, c’est aussi lui donner de l’affection et l’aider à établir une bonne estime de soi (voir la première position plus haut).

Signalons enfin qu’Alice Miller (1923-2010), psychanalyste suisse, dénonce comme suspect les enfants qui développent, de façon précoce, une capacité exceptionnelle à se mettre à la place des autres. Ce sont des enfants trop « doués » dont le drame a été d’avoir dû apprendre à se mettre très tôt en seconde position – concrètement : dans les chaussures de leurs parents – parce que leur survie en dépendait. Elle cite dans son livre [13] l’exemple d’un enfant devenu un expert de l’observation et de la calibration de son père alcoolique et qui a appris très tôt à se mettre à sa place, ce qui lui permettait de s’enfuir ou de se cacher à temps pour ne pas être victime des accès de violence de son père. Elle dénonce aussi les parents qui donnent leur affection « sous conditions d’obéissance et de soumission absolue ». L’enfant ayant un besoin vital d’amour ne peut que chercher par tous les moyens à combler leurs attentes au détriment de ses propres besoins et du développement de sa personnalité. Mon conseil est de veiller à ce que votre enfant ne développe pas ses capacités à l’empathie et à l’altruisme au détriment de l’établissement de son estime de soi.

La troisième position de perception chez l’enfant

La troisième position est la position d’un observateur bienveillant, qui connaît le point de vue de chacun et peut donc prendre du recul. Il est en mesure de ne pas prendre « au premier degré » les comportements dérangeants des autres et peut donner des conseils de sagesse. Cette position requiert une certaine maturité. Elle n’est pas naturelle à l’enfant. Lorsque l’enfant est face à un conflit trop important ou traumatisant avec ses parents, il n’est pas capable de prendre du recul. Il bâtit un mur de silence derrière lequel il enfouit sa souffrance pour s’en protéger et l’oublier. Cette partie de lui qui accumule les souffrances reste présente toute sa vie. Elle est source de pathologies, maladies et dépendances diverses par la suite. Ma recommandation est de trouver dans ce cas un thérapeute qui pourra aider l’enfant à résoudre ses difficultés.

Eduquer avec le sourireMarion Sarazin– Enseignante PNL certifiée en France. Marion est  aussi membre du réseau de formateurs certifiés par NLPU dirigée par Robert Dilts et Judith Delozier. Elle a obtenu un master en psychologie à l’université américaine de Santa Clara. C’est en Californie, où elle a vécu pendant 7 ans, que Marion a pu travailler dans le cadre de l’Institut NLP Californie et de la NLPU avec les meilleurs formateurs américains, en particulier Robert Dilts et Robert McDonald. Avant de se consacrer à la PNL, elle a occupé pendant 20 ans des fonctions de direction en entreprise. Elle est diplômée d’HEC et possède un DEA de sciences économiques. Les participants à ses formations apprécient sa passion pour la PNL, son sens de l’humour et son authenticité. Auteur de “S’initier à la PNL” ESF 2010 et d'”éduquer avec le sourire” DUNOD 2017.

Références

[1]Margaret Mahler, Fred Pine et Anni Bergman, La Naissance psychologique de l’être humain, Poche, petite bibliothèque Payot, 2010.

[2] Cf. le concept freudien d’ « absolu narcissisme primaire ».

[3] Premier ouvrage de Piaget : Le Langage et la pensée chez l’enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1923. Aussi : La naissance de l’intelligence chez l’enfant, et La construction du réel chez l’enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1936 et 1937.

[4] Françoise Dolto : Lorsque l’enfant paraît, Seuil, 1990.

[5]Meltzoff AN, Moore MK, « Imitation of facial and manual gestures by human neonates » Science, n° 198, 1977, p. 75-78. Meltzoff AN, Moore MK, « Newborn infants imitate adult facial gestures », Child Dev, n° 54, 1986, p. 702-709.

Et aussi Alison Gopnik etAndrew Meltzoff, Comment pensent les bébés, Poche, 2016.

[6] Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle, Tome 1, Laffont, 1997.

[7] Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les neurones miroirs, traduit de l’italien par Marilène Raiola, décembre 2007, édition Odile Jacob, collection Sciences.

[8] Patrice Van Eersel (coordinateur), Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner, Poche, 2014.

[9] www.rtflash.fr, Vivant, Neurosciences & Sciences cognitives, 10 mars 2006.

[10] Donald Winnicott, L’enfant et sa famille, Les premières relations, Payot.

[11] Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle, Tome 1, Laffont, 1997.

[12]Boris Cyrulnik (collectif), Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner, Poche 2014.

[13]Alice Miller, Le drame de l’enfant doué. À la recherche du vrai Soi, PUF, 2013.

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