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Il y a une grande différence entre connaître le nom de quelque chose et savoir quelque chose

Richard Feynman était un génial scientifique et un prix Nobel de physique bien connu de ceux de sa génération. Pour démontrer publiquement, au cours de l’enquête sur le désastre de la navette spatiale Challenger, que le matériel de la navette ne pouvait pas résister à des températures de congélation, il avait laisser tomber un bout de la matière isolante de la navette dans un verre d’eau glacée. La nature espiègle de Feynman a été rapportée dans de nombreux livres dont le «Vous plaisantez sûrement M. Feynman! (1) Un camarade et génie scientifique Freeman Dyson écrivit que Feynman était «à moitié génial» et «à moitié bouffon», avant de reformuler ultérieurement en «totalement-génie » et «totalement bouffon» (2).

Feynman savait souvent exprimer ses capacités mentales à faire des distinctions, au travers d’une anecdote impliquant son père, Melvin. Le père et son jeune fils faisaient de longues promenades ensemble, et Richard posait des questions typiques d’un enfant. Il se rappelait qu’en demandant le nom d’un oiseau à son père, ce dernier lui répondait sans rien savoir du nom réel de l’oiseau mais en lui attribuant des noms inventés et dans toutes les langues :

« C’est une fauvette de Spencer… Eh bien, en italien, c’est un chutto Lapittida. En portugais, c’est un Bom da Peida. En chinois, c’est un Chung-long tah, et en japonais, c’est un Katano Tekeda. Vous pouvez donc connaître le nom de cet oiseau dans toutes les langues du monde, mais à la fin de votre énumération, vous ne saurez absolument rien de l’oiseau. Vous n’apprendrez que sur les humains dans des lieux différents, et sur leurs différentes manières de nommer un oiseau. Alors regardons l’oiseau et voyons ce qu’il fait – car c’est ce qui qui compte (3)

Feynman écrivait ceci «J’ai appris très tôt la différence entre connaître le nom de quelque chose et savoir quelque chose…”(4)

Une grande partie de l’éducation consiste à apprendre les noms corrects des choses, ou au moins trouver un nom acceptable aux choses. Le danger apparaît quand les noms attribués aux choses s’opposent à leur compréhension. Un avocat de Chicago Gilbert Cornfield dirige un cabinet qui réussit très bien et qui porte son nom sur la porte et qui travaille avec de nombreux avocats. Dans son ouvrage « A l’école du droit », Cornfield dit, « vous apprenez à donner des noms aux problèmes pour ensuite les traiter à partir des noms que vous leur avez attribués :« Ceci est un problème de contrat, ceci est un problème de propriété intellectuelle. Et ainsi de suite. Mais chaque problème juridique se rapporte à des personnes spécifiques, dans des circonstances particulières, avec une certaine histoire unique. A moins de comprendre ces choses, vous pouvez « faire votre travail », mais vous ne servez pas les besoins réels de vos clients » (5)

L’expertise, soulignons-le, n’est pas mauvaise en soi. Mais l’expertise qui catégorise les choses de façon limitante voire inexacte, de sorte que l’information importante soit absente, ou les alternatives exclues, est certainement dangereux. Y at-il un mot, dans le vocabulaire des affaires, plus vénérée au fil des ans que la «productivité»? Pourtant, Henry Mintzberg, le doyen des chercheurs dans le monde des affaires, a écrit dans la Harvard Business Review : « La productivité est en train de tuer l’entreprise américaine». «J’ai des craintes pour l’avenir de l’entreprise américaine», disait-il, non pas du fait des déséquilibres commerciaux américains ou des déficits budgétaires mais en raison de la productivité de ses entreprises. La productivité racoleuse de l’Amérique est peut-être en train de détruire sa légendaire entreprise et bon nombre de ses puissantes entreprises. . . . Pour le bien de la société américaine, ainsi que l’économie américaine, il est temps d’obtenir la productivité du passé. (6)

Mintzberg faisait valoir qu’au nom de la productivité, de trop nombreuses entreprises américaines « bradent leur santé future à venir au nom des résultats court terme », rendant servilement hommage au mot, sans tenir compte de ce qu’il y a derrière, ce qui est contre-productif.

Il y a un nom pour définir les apprentissages et étiquetages qui limitent la compréhension et la sensibilisation au lieu de les développer : « incompétent instruit ». La consultante en marketing Edith Weiner a défini ainsi « l’incompétence instruite » : savoir tant de choses à propos de ce que vous savez fait de vous le dernier à être en mesure de voir l’avenir différemment”. (7) L’écrivain William Altier donne ici un des milliers d’exemples possibles:

Les grands constructeurs automobiles doivent avoir des milliers d’ingénieurs salariés et il est probablement juste de dire que la plupart d’entre eux conduisent des voitures et qu’ils doivent avoir l’habitude de conduire sous la pluie. Ils doivent ainsi avoir subi l’exaspération d’avoir constamment à allumer et éteindre leurs essuie-glaces au cours d’une pluie légère. « 8 »

Il fait référence, bien sûr, à l’invention des essuie-glaces intermittents, qui ont d’abord été développés non pas par un ingénieur de l’entreprise de l’automobile, mais par un professeur de collège, et mis en service chez Ford la fin des années 1970.(9) Les ingénieurs de l’entreprise automobile avaient probablement réalisé au fil des ans des centaines de petites améliorations aux bras des essuie-glaces, aux lames et aux moteurs, mais aucun d’entre eux n’avaient perçu l’inconvénient fondamental que pouvaient expérimenter les conducteurs d’automobiles. Ni l’expérience des clients avec les essuie-glaces, ni leurs propres expériences en tant que clients – n’avait fait l’objet du moindre souci.

Pour amener des perspectives nouvelles, certaines organisations utilisent l’ethnographie, l’observation des interactions spécifiques avec les yeux d’un anthropologue, pour aborder des tâches critiques de façon à aller bien au-delà des catégories traditionnelles. Thomas Kelley, le directeur général de IDEO, la firme de design si vantée, décrit le point de vue de l’anthropologue comme une compétence clé utilisée dans son entreprise (10) Il ajoute, “Les autres abordent un problème avec l’idée que nous avons les personnes les plus intelligentes au monde et, par conséquent, nous pouvons réfléchir à cela. Nous approchons les situations avec l’idée que la réponse est là quelque part, caché au simple regard, donc observons le comportement humain et voyons où sont les possibilités.

A Omaha, le système de santé d’Alegent à étudié de façon ethnographique les patients atteints de cancer, afin de définir ce qu’ils percevaient comme facteurs critiques dans leur expérience du traitement. En découvrant que lorsque ces patients avaient l’air mieux, ils se sentaient mieux, Alegent a mis en place, une première du genre, le centre de guérison d’image (Image Recovery Center), un programme hospitalier qui faisait appel à des cosmétologues cliniquement formés à aider les patients à modifier leur apparence après les changements qu’ils subissaient du fait de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou de la chirurgie. (12) Le programme a remporté des prix nationaux et est maintenant utilisé dans d’autres hôpitaux et centres de cancérologie.

Karen Stephenson est un anthropologue de formation qui aide les organisations à se voir de nouvelle manière. Son entreprise, Netform, développe des représentations graphiques des flux d’informations, montrant entre autres choses qui sont les gardiens, les plaques tournantes et les observateurs de l’entreprise. Si on peut la considérer comme une spécialiste de la communication, son livre de 2008, « une théorie quantique de la confiance » montre qu’elle est également une spécialiste de la confiance. Faites appel à un classique « expert en confiance » et il est probable que vous aurez des ateliers et des conférences sur le sujet. En faisant appel à Stephenson ou quelqu’un avec des compétences similaires, vous permettrez d’obtenir une compréhension plus large et nouvelle de la dynamique qui sous-tend la confiance dans votre organisation, vous permettant de réaliser un changement systémique et non superficiel.

Nommez tout ce que vous observez ou pensez comme vous le faîtes pour la “fauvette Spencer”, puis regardez ce qui se passe vraiment, vous pourrez ainsi améliorer de façon importante votre prise de décision.

Sources, Références

Sources:See New Now, new lenses for leadership and life, Gerald de Jaager & James Ericson –Bergen Publishing LLC- Site web : www.seenewnow.com

  1. Feynman, Richard and Ralph Leighton. Surely You’re Joking, Mr. Feynman! (Adventures of A Curious Character) (New York: Norton, 1997)
  2. Sykes, Richard. Preface to No Ordinary Genius: The Illustrated Richard Feynman (New York: Norton, 1996)
  3. Olson, Steve. Inquiry and national Science Education Standards (Washington, DC. : national Academies Press, 2000)
  4. Feynman, Richard, and Ralph Leighton. What Do You Care What Other People Think? Further Adventures of A Curious Character (New York: Norton, 2001)
  5. Cornfield, Gilbert. “Centennial Address: Lawyering As Service To People.” Santa Cruz, California (March 8, 2008)
  6. Mintzberg, Henry. “Productivity Is Killing American Enterprise.” Harvard Business Review (July-August, 2007)
  7. Weiner, Edith. “Ten Thinking Technologies.” Presentation at The Masters Forum (September 14, 2004) See also her book (with Arnold Brown), FutureThink: How to Think Clearly in a Time of Change (Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall, 2005).
  8. Altier, William. The Thinking Manager’s Toolbox: Effective Processes for Problem Solving and Decision Making (New York: Oxford University Press, 1999)
  9. Robert Kearns, Inventor of Intermittent Wipers, Dies at 77:’ USA Today (February 25, 2005)
  10. Kelley, Thomas, and Jonathon Littman. The Ten Faces of Innovation: IDEO’s Strategies for Defeating the Devil’s Advocate and Driving Creativity Throughout Your Organization (New York: Doubleday Business, 2005)
  11. Pethokoukus, James. “The Deans of Design:’ U.S. News & World Report (September 24, 2006)
  12. “Surviving Cancer is a Life-long Process” (June-July, 2007) READ >
  13. Stephenson, Karen. A Quantum Theory of Trust: The Secrets of Mapping and Managing Human Relationships (New York: Financial Times Prentice Hall, 2008)
  14. Geertz, Clifford. Available Light: Anthropological RefieCtions On Philosophical Topics (Princeton, NJ: Princeton University Press, 2000)
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