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Les histoires de réussites collectives illustrent bien le propos de cet article. Des histoires qui racontent toutes que la pensée collective est de qualité bien supérieure à la somme des individus qui la compose. Devant cette affirmation, la science serait en droit de demander des preuves. Deux travaux peuvent répondre à cette exigence de preuve.

Les conditions d’apparition de l’intelligence collective

Thomas Malone du Centre pour l’intelligence collective du MIT (1) a étudié, avec l’aide de chercheurs de diverses universités, les conditions d’apparition d’une intelligence collective. Leurs deux études ont impliqué 699 sujets, regroupés en des petits groupes de deux à cinq personnes à qui on demandait de répondre à une batterie de tests, puzzles et autres jeux.

Si les chercheurs ont en effet mis en évidence que la réflexion collective pouvait dans certaines situations, se montrer supérieure à celle des individus, ils ont aussi démontré une grande variabilité des performances des groupes, allant de 30 à 40 %. Ils ont ainsi pu isoler les trois facteurs qui doivent être réunis pour permettent la réussite d’une intelligence collective. La “bonne ambiance” du groupe n’est pas un élément discriminant, ni la motivation des participants, ni le niveau intellectuel des individus impliqué. Par contre trois facteurs font toute la différence :

1- la sensibilité sociale des participants, c’est-à-dire la facilité qu’a un sujet à déduire l’état émotionnel d’autrui en observant son regard. Cette sensibilité sociale a été calculée en soumettant chaque sujet au test de “lecture de l’esprit dans les yeux”. On montre aux participants des photos des yeux d’autres personnes et on leur demande de deviner quelle émotion ressent la personne sur la photo.

2- le partage équitable du temps de parole. Quand une ou deux personnes dominaient la conversation, le groupe était en moyenne moins intelligent.

3- la proportion de femmes dans le groupe. S’il y avait plus de femmes dans le groupe, le rendement du groupe serait meilleur. En général, plus le ratio femmes/hommes est élevé, meilleure est la performance.

Ces trois facteurs montrent que l’intelligence émotionnelle apparaît comme l’ingrédient fondamental de la réussite de l’intelligence d’un groupe. Cette recherche montre également à quel point la nature de la collaboration est bien plus physique qu’intellectuelle.

L’intelligence collective fait bien plus appel au corps qu’au mental

Comment l’intelligence collective s’exprime-t-elle au niveau de notre système nerveux ? Deux études scientifiques apportent des réponses.

L’une portait sur la conversation entre deux personnes et utilisait la résonance magnétique fonctionnelle. L’autre, menée par une équipe de jeunes chercheurs français, s’est intéressée à la communication non verbale et a recouru à l’électro-encéphalographie (EEG) comme procédure de test. Deux recherches à la fois très proches par le sujet abordé, mais très différentes tant par la procédure expérimentale que par les outils de mesure, donc ;

La première étude du psychologiste Uri Hasson de la Princeton University (3) : une participante de l’équipe a placé sa tête dans un appareil d’imagerie cérébrale (IRM) tout en racontant devant un magnétophone une histoire remontant à ses années de lycée. Pendant ce temps, l’IRM enregistrait ses états cérébraux. Puis on a soumis 11 sujets à l’IRM, en leur faisant écouter l’enregistrement de l’histoire. Dans un grand nombre de cas, le sujet “allumait” les mêmes zones cérébrales, au même moment, que celles activées par la conteuse qui déroulait son récit. Si le plus souvent, un délai de deux ou trois secondes intervenait, dans d’autres cas certains de la zone cérébrale s’éveillait chez le sujet juste avant son activation chez la conteuse ; cet effet serait dû, selon les chercheurs, à l’anticipation du récit par l’auditeur. Enfin, on a demandé aux sujets de raconter l’histoire entendue. Les passages dont ils se souvenaient le mieux étaient ceux pour lesquels les aires cérébrales avaient été le mieux “synchronisées”.

La seconde étude est Française et due à Dumas G, Nadel et Coll.(2010) (4). On a demandé à des couples de participants d’échanger avec des gestes de la main sans signification particulière, chacun étant libre d’imiter l’autre ou non. Dans le même temps, les ondes cérébrales des sujets étaient enregistrées par EEG. Les résultats montrent qu’une synchronisation émergeait entre certaines parties des deux cerveaux lors de la communication gestuelle, une communication non verbale qui joue un rôle important dans les relations sociales. Par rapport à l’IRM, l’usage de l’EEG permet une précision à la milliseconde, et permet surtout d’enregistrer de façon simultanée l’interaction des cerveaux des deux partenaires. Cette mesure est séquentielle avec les IRM.

Ces deux recherches très proches par le sujet abordé, et très différentes par les outils de mesure, apportent des conclusions similaires : si l’intelligence individuelle est fonction du corps et ne peut être séparée de celui-ci, l’intelligence collective doit aussi beaucoup au corps et ne peut se réduire à un simple échange intellectuel.

Le mimétisme ne commence pas avec le règne humain ou animal, il s’agit d’un puissant moyen de sélection et d’adaptation, d’apprentissage, que l’on rencontre dans toute la chaîne du vivant, aussi bien chez les végétaux que chez les animaux. Le mimétisme consiste, pour un végétal ou un animal, en l’imitation de son environnement. En tant que stratégie, le végétal et l’insecte tendent à imiter les couleurs et/ou les formes ; en tant qu’intégration sociale, l’animal tend à imiter ses congénères.

Dans une démarche d’intelligence collective, commençons par mettre notre intellect de côté. Car pour synchroniser nos cerveaux, commençons par synchroniser nos comportements et notre gestuelle, comme nous invite si souvent Robert Dilts à le faire dans ses formations.

(1) Strategy Business May 12, 2014 / Summer 2014 / Issue 75 ; Thomas Malone on Building Smarter Teams; The head of MIT’s Center for Collective Intelligence explains how the social intelligence factor is critical for business success. by Art Kleiner  https://www.strategy-business.com/article/00257?gko=94468

(2) Anita Williams Woolley, Christopher F. Chabris, Alexander Pentland, Nada Hashmi, and Thomas W. Malone. Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human Groups. Science, September 30, 2010 DOI: 10.1126/science.1193147

(3) Good conversation results in a ‘mind meld’ ; July 27, 2010 by Lin Edwards, Medical Xpress  https://medicalxpress.com/news/2010-07-good-conversation-results-mind-meld.html

(4) Inter-Brain Synchronization during Social Interaction ; Guillaume Dumas, Jacqueline Nadel, Robert Soussignan, Jacques Martinerie, Line Garnero, PLOS ; August 17, 2010 https://doi.org/10.1371/journal.pone.0012166

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