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Salomon, roi de Terre sainte, connaissait par cœur son royaume. Chaque jour, il allait par les chemins à la découverte des hommes, des femmes, des bêtes, de la flore et des minéraux. C’était un temps ou les rois avaient encore le gout de leurs sujets et de leurs terres…

Un jour que sa curiosité le menait sur une piste sans début ni fin accrochée aux flancs ondulés du désert, il vit une fourmilière. Les innombrables habitants honorés de la royale visite, accoururent et bordèrent son pas d’une joyeuse agitation. Seule une fourmi, fort indifférente celle-ci, poursuivit ses tâches. Sans même relever la tête, elle continuait de saisir entre ses pattes un grain de sable pour le porter un peu plus loin. Elle répétait inlassablement ce même geste avec une application et un courage qui forçait vraiment le respect. Il ne fallut pas longtemps au roi pour repérer l’imperturbable travailleuse qui, éloignée de la foule, vaquait à sa besogne.

Aussi s’approcha-t-il d’elle, quasiment ventre à terre, pour accrocher son regard et engager la conversation avec elle :
-que fais-tu donc là, avec tant de soin et de courage ? 

La fourmi lui répondit avec courtoisie, bien qu’elle n’eût pas renoncé à son ouvrage :
– je ne fais rien d’autre que ce que tu peux voir. Je déplace ce tas de sable.
– Infime créature de Dieu, j’admire ton industrie, mais ne présumes tu pas de tes forces ? Ce tas de sable est si haut qu’il t’interdit la vue du ciel. Je crains que ton labeur soit vain. Me vois-tu vider l’océan avec la seule coupe de mes mains ? Me vois-tu étreindre le ciel tout entier avec la seule tendresse de mes bras ? Me vois-tu, avec un sourire, en finir avec les guerres ? Ne crois-tu pas à l’impossible ?
– toi tu es un roi illustre et glorieux, mais connais-tu l’amour ?
– La question était audacieuse, alors la fourmi ne laissa pas au roi le temps de la réflexion, moins encore celui de la colère.
– oui Sire, c’est pour l’amour de celle qui occupe mon cœur que je déplace le sable du désert. Vois-tu, ce tas m’empêche de la voir et de la rejoindre, elle vit dans la fourmilière d’en face, là-bas, juste derrière.
– inconscient, tu n’as pas assez de ta vie pour mener à son terme cette besogne
– sans doute Grand Roi de Jérusalem , mais chaque jour, chaque instant de ma déraisonnable entreprise, du petit matin au grand soir, je vis dans l’espérance, dans le désir d’y parvenir. Et c’est un bonheur immense que cette folie là.

La fourmi n’avait pas une seconde cessé son ouvrage. Le roi reprit la piste sans début ni fin accrochée aux flancs ondulé du désert. Une infime créature venait de lui apprendre l’amour.

Source : David Lelait-Helo « Si le bonheur m’était conté… » Payot 2011

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