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Jean Luc Monsempès

Estime de soi 1Selon une croyance bien répandue, l’estime de soi conditionne notre réussite sociale et notre santé.C’est le sésame pour être performant dans ce monde moderne incertain dans lequel à charge d’être soi, par soi-même et pour soi-même, incombe à l’individu. “L’estime de soi” semble être un sujet socialement important et aussi un marché, avec des tests, des outils, des techniques, des livres, des stages.

La quête permanente d’estime de soi est le nouveau gral. Même si c’est épuisant de se promouvoir sans arrêt comme un paquet de lessive, de se sentir obligé de muscler une estime de soi censée apporter une bonne image de nous-même. Selon le professeur Kristin Neff de l’Université du Texas à Austin et auteur de l’ouvrage Self-Compassion (S’aimer chez Belfond), ce n’est pas d’estime de soi dont nous avons besoin, mais plutôt d’auto-compassion. Une quête d’estime de soi serait même source de problèmes.

Cet article se propose d’examiner les propos de Kristin Neff sur l’estime de soi et la compassion de soi et dans un deuxième article (Du concept de soi à l’estime de soi) d’y apporter le regard de la programmation neuro-linguistique (PNL) sur ces deux processus.

Que dit la recherche sur l’estime de soi ?

L’estime de soi a plusieurs définitions. Selon wikipédia, l’estime de soi est un terme désignant le jugement ou l’évaluation faite d’un individu en rapport à sa propre valeur “Lorsqu’un individu accomplit une chose qu’il pense valable, celui-ci ressent une valorisation et lorsqu’il évalue ses actions comme étant en opposition à ses valeurs, il réagit en « baissant dans son estime ». L’estime de soi est à distinguer de la « confiance en soi » qui, bien que liée à la première, est en rapport avec des capacités plus qu’avec des valeurs.

Le postulat de William James, inventeur du concept, l’estime de soi est le rapport entre ce que sont réellement les humains et ce qu’ils veulent être (leur idéal de soi). Pour Maslow, l’estime de soi correspond à une double nécessité pour l’individu : se sentir compétent et être reconnu par autrui.

Si la définition de l’estime de soi ne fait pour l’instant pas l’objet d’un consensus, la plupart des chercheurs, s’entendent sur le fait que l’estime de soi se mériterait, soit par l’obtention d’un sentiment d’appartenance en se conformant aux exigences sociales (Mead, 1934), soit par l’atteinte d’un objectif particulier pour s’autoriser une fierté personnelle (Coopersmith, 1967), soit par le respect de « piliers » moraux pour que la vertu soit récompensée. (Branden, 1994). Pour jouir du privilège d’une bonne estime de soi, il faudrait donc s’ajuster à des principes extérieurs à soi.

L’estime de soi suppose une évaluation du soi, un soi considéré comme une entité stable et définie une fois pour toutes alors qu’à l’évidence il s’agirait en réalité d’un processus, impermanent par essence. Une réussite soudaine peut enfler la surestimation du soi, comme le sentiment d’échec peut dégonfler brutalement l’évaluation du soi.

Albert Ellis, l’un des pères des Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) s’est opposé à l’idéologie de l’estime de soi et de la mesure de la valeur d’un individu, en enseignant une philosophie de l’acceptation inconditionnelle de soi. Ellis décrit la tendance « névrotique » des humains à s’auto-évaluer de manière fallacieuse. Un bon résultat dans une situation donnée conduirait le sujet à s’accorder un gain de valeur. Et une contre-performance dans le futur transformerait le « complexe de Jéhovah » en « complexe de ver de terre ». Pour Ellis la notion de « valeur » d’un être humain n’est pas tenable d’un point de vue philosophique. Selon lui, la seule évaluation possible est celle des comportements, en prenant soin de séparer la personne de ses comportements, car la stupidité d’un acte ne définit pas son auteur. La carte n’est pas le territoire et Ellis reconnaît avoir été influencé par les principes de la Sémantique générale.

Pour Marsh et Shavelson, 1985, l’estime de soi est conçue comme multidimensionnelle et organisée de façon hiérarchique. ll y aurait une estime de soi « dispositionnelle » et plutôt stable, en référence à la construction de la petite enfance et que nous chercherions à préserver pour garder cohérence et continuité dans le temps. Cette estime de soi dispositionnelle serait cependant soumise à une influence du contexte. Il y aurait donc une estime de soi « situationnelle » qui est susceptible de varier beaucoup en fonction des évènements. L’estime de soi est donc soumise à de grandes fluctuations.

Selon Roger C. Mills, auteur du modèle du Health realization,  il existe en chaque individu, qu’il soit ou non en difficulté, un “Higher self”, un noyau d’équilibre mental source de potentiel de développement positif, d’estime de soi naturelle et de motivation innée d’apprendre. Ce “Higher self” serait moins sources de stress et moins soumis aux contraintes du concept de soi et de son état de motivation conditionné. Lorsqu’on fait découvrir, dans un cadre relationnel positif, les processus mentaux auxquels les individus obéissent (une méta cognition), le désir d’apprendre se manifeste très clairement. Nous pouvons changer rapidement en prenant conscience que nous créons nos propres experiences et en nous connectant à ce “higher self” source de santé, d’estime de soi inconditionnelle, et de sagesse intérieure. De nombreux travaux et approches pratiques du changement humain soutiennent l’hypothèse de Roger Mills. Citons l’hypnose de Milton Erickson sur l’hypnose, le focusing d’Eugine Gendin sur, la thérapie brève centrée sur la solution de Steve de Shazer et Insoo Kim Berg, et enfin la transe générative de Stephan Gilligan.

L’estime de soi selon Kristin Neff

Kristin Neff 2015 sm1Kristin Neff est l’auteur du livre “Self-Compassion: The Proven Power of Being Kind to Yourself » traduit en francais sous le titre “S’aimer” don’t nous allons reprendre les propos dans cet article. Elle est  diplômée en communication de l’université de Californie, Los Angeles en 1988, et de l’université de Berkeley, où elle obtient son doctorat en ‘développement moral’ avec le Dr. Elliot Turiel. Depuis 1999, elle est professeur en ‘Culture et Développement humain’ à l’université d’Austin, au Texas. Il s’est intéressée au Bouddhisme et pratique la méditation dans sa forme traditionnelle (Insight Meditation). En marge de son travail de recherche sur l’épanouissement personnel, elle a conçu un programme de formation de 8 semaines intitulé ‘Mindful Self-compassion’ sur les méthodes d’épanouisement. En 2011, elle a publié « Self-compassion » (“S’aimer chez Belfond”).

Sur la quatrième de couverture de son livre voici ce qu’on peut lire “Dans une société où l’on est en permanence comparé à plus riche, plus beau, plus intelligent que soi, qui est vraiment satisfait de ce qu’il est ? Face à cette compétition féroce, nous avons tous le même réflexe : nous juger, très sévèrement, avant que les autres ne le fassent. Mais l’autocritique n’est pas la solution. Pour prendre confiance et être capable de se dépasser, un seul secret : s’entourer des mêmes égards que nous avons pour nos proches.” Selon Kristin Neff, le pire ennemi au développement de l’estime de soi est une personne qui est plus dure avec vous que quiconque et dont la critique ne semble jamais finir …et cette personne est vous-même. Alors quels sont les problèmes avec l’estime de soi ?

Les problèmes posés par l’estime de soi

L’estime de soi est contigente. Le problème de l’estime de soi est qu’elle est contingente. Elle n’est pas toujours présente pour vous quand vous le souhaitez. Elle est en effet dépendante du hasard, elle peut se produire ou ne pas se produire.

L’estime de soi n’est utile que si vous n’en avez pas besoin. Si vous avez le sentiment d’avoir réussi quelque chose, vous n’avez pas vraiment besoin d’estime de soi ? Donc l’estime de soi est utile uniquement lorsque vous n’en n’avez pas vraiment besoin. Nous nous aimons et nous nous jugeons de façon positive lorsque nous réussissons quelque chose et quand nous le faisons bien. Mais dès que nous faisons une erreur, notre estime de soi s’effondre et nous nous jugeons de façon négative. Nous voulons ignorer que c’est la réussite qui mène à l’estime de soi, et non l’inverse.

La stabilisation de l’estime de soi est impossible. Maintenir une bonne estime de soi en permanence est impossible, car le processus nécessite une comparaison entre vous et une autre personne. Pour avoir une bonne estime de vous, vous devez avoir l’impression que vous faites mieux que quelqu’un d’autre. Se positionner par rapport aux personnes de son environnement immédiat constitue l’un des mécanismes fondamentaux d’ajustement de l’estime de soi. Pour la plupart des individus, il apparaît en effet capital de se situer « au-dessus de la moyenne » Et c’est cette nature comparative qui pose problème selon Kristin Neff. Pour ressentir une bonne estime de soi, je dois me percevoir comme étant au dessus d’une moyenne hypothétique et subjective. Ce besoin humain fondamental de se sentir mieux que les autres repose sur une impasse logique. Il n’y a aucun moyen pour que tout le monde puisse avoir une bonne estime de soi en même temps. Vous êtes perdants avant d’avoir commencé.

L’efficacité du développement de l’estime de soi en milieu scolaire

fbd367eec784bf7657e2305374221db2L’état de Californie a financé un projet (California Task Force to promote self-esteem and social responsability, 1990) de 250.000 $ par an don’t le but était d’accroître l’estime de soi des écoliers. Ce projet stipulait que l’estime de soi fonctionnerait comme un « vaccin social » qu’il serait utile d’inoculer aux individus et à la société pour lutter «contre les crimes, la violence, l’abus de drogues, les grossesses chez les adolescentes, les enfants maltraités, et l’échec scolaire».

Ce fut pourtant un échec complet et pratiquement aucun des résultats escomptés n’ont été atteints. “les résultats enregistrés de manière consistante, démontrent que les associations entre l’estime de soi et ses conséquences attendues sont douteuses, insignifiantes, voire absentes” (Mecca, Smelser, Vasconcello, 1989) Selon ces auteurs, élever l’estime de soi n’est pas efficace pour prévenir la violence, l’obésité, le recours à la drogue, l’échec scolaire, les grosesses précoces, etc.

Une haute estime de soi a des effets secondaire

NarcissismeLa recherche scientifique montre que l’estime de soi ne génère pas toutes les bonnes choses promises dans les livres, les stages de formation, etc. L’estime de soi est simplement une conséquence possible d’une réussite. Donc stimuler artificiellement l’estime de soi ne fonctionne pas. De toute façon une haute estime de soi semble bien être la conséquence et non la cause de comportements sains. Selon Kristin Neff, une importante revue de la littérature scientifique sur l’estime de soi, a conclu qu’une haute estime de soi n’améliorait pas les résultats scolaires, l’efficacité d’un job, les compétences en leadership, ou n’empêchaient pas les enfants de fumer, ni de boire, ou de se droguer…

Si l’estime de soi a une utilité, c’est d’accroître le narcissisme. Donc, essayer d’augmenter l’estime de soi n’aide pas les gens à réussir, mais cela peut les transformer en imbéciles.

L’importance accordée à l’estime de soi à tout prix a également conduit à une inquiétante augmentation du narcissisme. Twenge et ses collègues ont examiné les scores de plus de quinze mille étudiants ayant passé l’Inventaire de Personnalité Narcissique entre 1987 et 2006. Sur une période de vingt ans, les scores ont explosé, avec 65 % des étudiants ayant une notation supérieure dans le narcissisme par rapport aux générations précédentes. Bon, si booster l’estime de soi ne fonctionne pas, qu’est ce qui fonctionne selon Kristin Neff ?

La compassion de soi plus efficace que l’estime de soi

s aimer kristin neffPour Kristin Neff, l’auto-compassion ne comporte pas de jugement ou d’évaluation de soi; elle ne consiste pas à décider si nous sommes ou pas une bonne personne; elle consiste simplement à se traiter avec gentillesse. Se traiter soi-même comme on traiterait un ami cher, avec chaleur, attention et compréhension. Lorsque l’estime de soi nous abandonne, ce qui survient quand nous échouons et que nous faisons une erreur, l’auto-compassion peut prendre le relais. L’auto-compassion reconnaît qu’il est naturel et normal d’échouer et de faire des erreurs, et que nous sommes dignes de bonté, même si nous avons fait quelque chose que nous regrettons ou qui ne fonctionne pas aussi bien que nous voulions.

Pour les adeptes du “sois fort”, se pardonner tout le temps peut apparaître comme le meilleur moyen de devenir un fainéant. L’auto-compassion ferait perdre l’avantage que procure la confiance en soi ! Pour Kristin Neff, l’auto-compassion aurait tous les avantages de l’estime de soi, sans les inconvénients !

Donc si vous avez compris son message, arrêtez de vous mentir à vous-même en vous croyant tellement génial. Cela ne fera pas votre bonheur. Pardonnez-vous plutôt de ne pas être aussi génial que vous le pensiez.

L’auto-compassion : les avantages de l’estime de soi sans les inconvénients

L’auto-compassion et l’estime de soi ont tendance à aller de pair. L’auto-compassion contribue à une meilleure estime de vous et calme l’auto-critique. L’auto-compassion, comme une haute estime de soi, est associée à une réduction de l’anxiété et de la dépression, et une augmentation du sentiment de bonheur, d’optimisme et d’émotions positives. Quand les choses vont mal, ou quand nos egos sont menacés, l’auto-compassion offrirait cependant des avantages évidents par rapport à l’estime de soi.

L’auto-compassion produit plus de confiance en soi

Selon Kristin Neff, l’auto-compassion génère des ressentis plus stables que l’estime de soi. Car l’auto-compassion est moins dépendante que l’estime de soi pour l’obtention de résultats liés à l’approbation sociale, la compétition professionnelle, ou le fait de se sentir attirant. Lorsque notre sens du soi découle du fait d’être un être humain intrinsèquement digne de respect, plutôt que d’être subordonné à l’obtention de certains idéaux, notre sens de soi serait beaucoup moins facilement ébranlé.

L’auto-compassion marque des points en cas de situations difficiles

Lors d’une étude on a demandé aux participants de s’imaginer dans des situations potentiellement embarrassantes : planter une équipe sportive ou oublier sa position dans le match. Et on a cherché à savoir comment les participants pouvaient se sentir si ce type d’incident survenait. Les participants ayant une auto-compassion se sentaient moins humiliés ou incompétents, ou ne prenaient pas trop personnellement le problème pour eux. Ils disaient plutôt prendre les choses telles qu’elles sont, avec des pensées telles que «Tout le monde fait des gaffes de temps en temps» et “À long terme, cela n’a pas d’importance”. Dans ces situations, l’estime de soi fait peu de différence. Ceux qui avaient une estime de soi haute ou basse avaient des pensées comme “je suis un perdant” ou “Je souhaite pouvoir mourir”. L’estime de soi ne jouerait donc pas l’aide qu’on attend d’elle dans les moments critiques.

L’auto-compassion facilite la vie amoureuse

Selon les recherches de Kristin Neffe, les personnes auto-compassionées ont des relations amoureuses plus heureuses et plus satisfaisantes que ceux qui manquent d’auto-compassion. Ceci serait du au fait que les participants auto-compassionnés sont décrits par leurs partenaires comme étant plus tolérants et dans le non jugement, que ceux qui manquent d’auto-compassion. Il convient de noter qu’une haute estime de soi ne semble pas pas être d’une grande aide pour les couples. L’estime de soi n’a pas été associée à des relations plus heureures, plus saines. Une haute ou basse estime de soi, n’impacterait pas la capacité à être plus tolérants, à prendre soin de l’autre, ou à apporter du soutien.

L’auto-compassion rend plus fort

Des soldats a qui on a appris l’auto-compassion développeraient moins de Stress Post Traumatique. Selon Neff, le niveau d’auto-compassion des soldats est un meilleur indicateur prédidictif du Stresss Post Traumatique que ne l’est le nombre de combats. L’auto-compassion ne signifie donc pas être faible ou une mauviette. Cela signifie avoir en soi un allié interne plutôt qu’un ennemi intérieur.

L’auto-compassion n’exige pas de comparaison

Contrairement à l’estime de soi, l’auto-compassion de soi ne dépend pas d’une action particulière et ne nécessite pas de comparaison. Quoi que vous fassiez, vous avez toujours la possibilité de vous pardonner. L’auto-compassion de soi n’exige pas que vous soyez le numéro un de l’avoir ou du faire. Vous pouvez faire preuve d’auto-compassion, même si vous considérez que vous avez échoué lamentablement. Elle est indépendante du fait d’être meilleur que les autres. L’auto-compassion nécessite uniquement d’être un être humain imparfait. Tout le monde devrait pouvoir faire cela.

Les obstacles à l’auto-compassion

L’auto-compassion est plus difficile que l’hétéro-compassion

SaimerPourquoi est-il plus difficile d’avoir de la compassion pour soi que pour les autres ? (Le mot d’hétéro compassion est le mien, et non celui de Kristin Neff). Une partie de notre cerveau est organisé pour prendre soin de ceux qui ont besoin d’aide. Mais ce même système ne se déclenche pas lorsque vous vous martyrisez avec un dialogue interne critique. Selon Kristin Neff, quand un ami échoue, vous ne vous sentez pas menacé et vous pouvez facilement accéder à la partie de votre système qui apporte de l’aide. Cette partie aidante est présente chez tous les mammifères. Mais quand vous vous sentez menacé, la réponse naturelle de protection de notre cerveau reptilien est de combattre ou de fuir. Lorsque nous échouons, notre concept de soi se sent menacé et notre corps réagit exactement comme si il avait été attaqué. Ce qui signifie que lorsque nous nous sentons menacés, il nous devient impossible d’accéder au système qui prodigue des soins. Notre réaction la plus immédiate et la plus intense consiste à combattre ou à fuir une attaque d’origine interne. Nous combattons un problème qui vient en fait d’une partie de nous-mêmes. S’il nous est tellement plus facile d’être gentil avec les autres qu’avec nous-mêmes, c’est que le plus souvent nous ne nous sentons pas menacés par les problèmes des autres. Quand nous sommes durs avec nous-mêmes, nous sollicitons plus notre cerveau reptilien, que notre cerveau relationnel ou lymbique capable de prend soin de soi ou des autres. Nous savons que l’amygdale s’active dès que nous nous sentons rejetés ou menacés ou que nous avons le sentiment d’avoir échoué.

La compassion de soi et des autres sont des facteurs indépendants

On considère le plus souvent que les individus éduqués dans la compassion seraient plus susceptibles de faire preuve d’auto-compassion. Pourtant les travaux de Kristin Neff montrent que ces deux modes de compassion ne sont pas liés. Les individus ont en effet naturellement bien plus de compassion envers les autres qu’il en ont envers eux-mêmes. Pensez à toutes les situations dans lesquelles vous avez été très agréable et chaleureux avec des amis, mais très dur avec vous-même. Quand vous vous montrez méchant envers une autre personne, soit vous vous auto corrigez rapidement, soit quelqu’un d’autre le fera. Mais quand vous vous battez avec vous-même, qui est présent pour vous défendre? La seule voix pour vous défendre est celle présente dans votre tête.

Comment développer l’auto-compassion ?

Les travaux de Kristin Neff, tentent de nous démontrer que le développement de l’auto-compassion a bien plus d’avantages que celui de l’estime de soi. Si nous adoptons cette hypothèse, il nous reste à nous demander comment faire pour développer une auto-compassion. Selon Kristin Neff c’est bien plus facile qu’on ne le pense.

La règle d’or de l’auto-compassion

La règle d’or évangélique dit que vous devez traiter les autres comme vous voulez être traité. Ok, mais c’est encore mieux si vous inversez la règle d’or : traitez-vous comme vous allez traiter vos amis. Donc pour avoir plus d’auto-compassion, parlez-vous comme si vous parliez à un ami qui a des problèmes. Pour Kristin Neff, un moyen simple d’avoir de l’auto-compassion consiste à se demander: «Qu’est-ce que je ferais si je devais aider un ami très proche qui vit exactement la même situation que la mienne ? L’idée clé est d’utiliser pour vous-même, les qualités de chaleur, de soutien, d’encouragement, de tendresse, de compréhension que vous auriez utilisé avec d’autres.

Sachez que les forces spéciales de la Navy utilisent l’auto-persuasion et apprennent à s’adresser des messages positifs. C’est l’une des méthodes qui a montré les meilleurs résultats pour aider les nouvelles recrues à traverser une formation physiquement extrêmement difficile. Vous parler gentiment à vous-même à haute voix peut vous rendre plus intelligent, améliorer votre mémoire, vous aider à vous concentrer et même augmenter votre performance sportive.

Vous n’êtes pas convaincu et votre voix intérieure vous dit de ne pas vous addresser des mots doux ? Alors imaginez une personne qui vous aime en train de vous dire des paroles aimables ! Testez sur vous car les résultats de la recherche sont assez probants.

Les trois éléments clé de l’auto-compassion

1. L’auto-gentillesse vs auto-jugement.

L’auto-compassion implique d’être chaleureux et compréhensif envers soi-même quand nous souffrons, quand nous n’y arrivons pas, quand nous nous sentons inadéquat, au lieu d’ignorer notre douleur ou de nous flageller avec l’auto-critique. Les personnes capables d’auto-compassion reconnaissent être imparfaites et considèrent que les épreuves de la vie sont inévitables. Au lieu de se mettre en colère quand la vie ne leur apporte ce qu’elles souhaitent, elles ont tendance à être douces avec elles-mêmes. Elles reconnaissent aussi qu’elles ne peuvent pas toujours être ou obtenir exactement ce qu’elles veulent. La négation de cette réalité augmente la souffrance, le stress, la frustration et l’auto-critique. L’acceptation de cette réalité génère une plus grande équanimité émotionnelle.

2. L’humanité vs l’isolement.

La frustration de ne pas obtenir les choses telles que nous les voulons s’accompagne souvent d’un sentiment irrationnel mais omniprésent d’isolement, comme si nous étions la seule personne souffrante ou faisant des erreurs. Pourtant tous les êtres humains souffrent. La définition même d’être «humain» comporte le fait que l’on soit mortel, vulnérable et imparfait. L’auto-compassion consiste donc à reconnaître que la souffrance et l’imperfection est quelque chose que nous partageons tous et n’est pas quelque chose qui m’arrive à «moi» seul.

3. La pleine conscience vs sur-identification.

L’auto-compassion exige une approche équilibrée de nos émotions négatives afin que les sentiments ne soient ni supprimés ni exagérés. Cet équilibre découle de la mise en relation de nos expériences personnelles avec celles des autres qui souffrent également, ce qui place ainsi notre propre situation dans une perspective plus large. L’auto-compassion découle également d’une volonté d’observer nos pensées et nos émotions négatives en pleine conscience, avec ouverture et clarté. La pleine conscience est un état de réceptivité et d’observation sans jugement de nos pensées et sentiments tels qu’ils sont, sans essayer de les supprimer ou de les nier. Nous ne pouvons ignorer notre douleur et ressentir de la compassion envers elle en même temps. La pleine conscience exige aussi que nous ne soyons pas “sur-identifié” aux pensées et aux sentiments, de façon à ne pas être captés et emportés par la réactivité négative.

Les exercices d’auto compassion de Kristin Neff

Ces exercices sont des traductions de ceux proposés sur le site Self compassion de Kristin Neff

Exercice 1: Comment voulez-vous traiter un ami ?

Prendre une feuille de papier et répondre aux questions suivantes :
– pensez à des moments où un ami proche s’est senti vraiment mal. Comment répondriez-vous à votre ami dans cette situation ? Ecrivez ce que vous faites normalement, ce que vous dites, et notez le ton avec lequel vous parlez généralement à vos amis.
– pensez maintenant à des moments où vous vous sentez mal dans votre peau. Comment faites-vous généralement dans ces situations ? Ecrivez ce que vous faites normalement, ce que vous dites, et notez le ton avec lequel vous parlez à vous-même.
– Avez-vous remarqué une différence ? Si oui, demandez-vous pourquoi. Quels sont les facteurs ou les craintes qui entrent en jeu et qui vous amènent à vous traiter de manière différente ?
– écrivez comment les choses pourraient changer si vous aviez répondu à vous-même quand vous souffrez, comme vous auriez répondu habituellement à un ami proche

Exercice 2 : la pause d’auto-compassion

Pensez à une situation difficile de votre vie et qui est source de stress. Retrouvez la situation, en tâchant de ressentir physiquement le stress et l’inconfort émotionnel.
Maintenant, dites-vous les phrases suivantes :

a. « Ceci est un moment de souffrance ». C’est de la pleine conscience.
Autres options : Cela fait mal ; Aie ; Ceci est le stress.

b. « La souffrance est une partie de la vie ». C’est de l’humanité courante.
Autres options : D’autres personnes se sentent de cette façon. Je ne suis pas tout seul. Nous luttons tous dans nos vies.
Maintenant, mettez vos mains sur votre cœur, sentez la chaleur de vos mains et la douceur de vos mains sur votre poitrine.

c. « Puis-je être gentil avec moi » C’est l’auto-gentillesse
Vous pouvez également vous demander : « Que dois-je faire en ce moment pour exprimer de la bonté envers moi-même ? » ; « Puis-je me donner de la compassion ? » ; « Puis-je apprendre à m’accepter comme je suis » ; « Puis-je me pardonner » ; « Puis-je être forte. » ; « Puis-je être patient ».
Cette pratique peut être utilisée à tout moment, et vous aidera à mémoriser les trois aspects de l’auto-compassion lorsque vous en aurez le plus besoin.

Exercice 3 : Exploration de l’auto-compassion par l’écriture

Première partie : Quelles sont les imperfections qui vous font sentir inadéquat ?
Nous avons tous quelque chose que nous n’aimons pas, qui nous amène à nous sentir honteux, en insécurité, ou pas “assez bon.” La condition humaine est d’être imparfait, et le sentiment d’échec et d’insuffisance font partie de l’expérience humaine. Ecrivez sur une situation qui vous donne le sentiment d’être inadéquat (apparence physique, travail, relation …) Quelles émotions apparaissent quand vous pensez à cet aspect de vous-même ? Ressentez vos émotions exactement telles qu’elles sont, ni plus, ni moins, puis décrivez les.

Deuxième partie : Écrivez-vous une lettre à partir de la position d’un ami imaginaire et qui vous aime de façon inconditionnelle. Imaginez que cet ami puisse voir toutes vos forces comme vos faiblesses, y compris celles que vous venez de décrire. Réfléchissez à ce que cet ami peut ressentir pour vous, et comment vous êtes aimé et accepté exactement tel que vous êtes, avec toutes vos imperfections. Cet ami qui reconnaît les limites de la nature humaine, est gentil et indulgent envers vous. Dans son / sa grande sagesse cet ami comprend votre histoire de vie et les millions de choses qui sont survenues dans votre vie. Vos insuffisances sont en lien avec tant de choses que vous ne choisissez pas nécessairement : vos gènes, votre histoire familiale, les circonstances de vie – des choses qui étaient hors de votre contrôle.

En écrivant une lettre à vous-même, mettez l’accent sur le défaut que vous avez tendance à juger le plus. Avec une compassion sans limite, qu’est-ce que cet ami dirait de votre «défaut» ? Qu’est ce que cet ami ressentirait quand vous vous jugez si durement ? Qu’est-ce que cet ami écrirait pour vous rappeler que vous êtes humain, que toutes les personnes ont des forces et des faiblesses ? Quelles seraient ses suggestions de changements possibles avec un sentiment de compréhension et de compassion inconditionnelle ? Ecrivez vous à partir de la position de cet ami imaginaire, en insufflant dans votre lettre un fort sentiment d’acceptation, de bonté, de bienveillance, de désir de votre santé et de bonheur.

Troisième partie : ressentez comment la compassion apaise et réconforte.
Après avoir écrit la lettre, laissez là de côté pendant un instant. Puis relisez-la en laissant couler les mots. Sentez la compassion se déverser en vous de façon apaisante et vous consoler comme la brise fraîche d’une chaude journée. L’amour, la connexion et l’acceptation sont vos droits. Pour les revendiquer il vous suffit de regarder en vous-même.

Exercice 4 : Le critique, le critiqué, et l’observateur compatissant

Dans cet exercice, vous serez assis dans différentes chaises de façon à pouvoir rentrer en contact avec différentes parties de vous-même, des parties souvent en polarité, et de connaître la façon dont chaque partie se sent dans le moment présent.

a) Pour commencer, disposez trois chaises vides pour former un triangle. Puis trouvez une question qui vous préoccupe souvent, et qui suscite de dures auto-critiques. Attribuez une chaise à la voix interne de votre auto-critique, une autre chaise à la partie de vous qui se sent jugée et critiquée, et une chaise à la voix d’un sage observateur compatissant.

Pensez à votre “question”, asseyez-vous dans la chaise de l’auto-critique, et exprimez à haute voix ce que la partie auto-critique pense et ressent. Par exemple: «Je déteste le fait que vous ne soyez pas assertif».  Remarquez les mots, le ton de voix, la posture et les ressentis de la partie auto-critique.

Puis prenez la chaise de la partie critiquée de vous-même. Notez comment vous vous sentez d’être critiqué de cette manière et verbalisez le. Notez le ton de votre voix, votre posture ?
Puis conduisez un dialogue entre ces deux parties de vous-même pendant un certain temps, en faisant des allers-retours entre le critique et le critiqué. Expérimentez chaque aspect de vous-même de sorte que chaque partie sache ce que l’autre ressent. Permettez à chacun d’exprimer pleinement son point de vue et d’être entendu.

Maintenant occupez la chaise de l’observateur compatissant. Faites appel à votre sagesse profonde et à votre bienveillante préoccupation, et répondez à la fois au critique et au critiqué. Qu’est-ce que votre auto-compassion dit à la partie critique, et à la partie critiquée ? Quels mots de compassion naissent naturellement ? Quel est le ton de votre voix ? Tendre, doux, chaleureux ? Quelle est la posture de votre corps, équilibré, centré, détendu ?

A la fin du dialogue, réfléchisez à ce que vient de se passer. Avez-vous des nouvelles idées sur la façon dont vous vous traitez vous-même ? En pensant à ce que vous avez appris, définissez votre intention pour vous traiter vous-même d’une manière plus douce et plus saine à l’avenir. Une trêve peut être utile dans votre guerre intérieure. La paix est possible. Vos vieilles habitudes d’autocritique ne doivent plus vous diriger. Vous devez écouter la voix qui est déjà là, même si elle est un peu cachée, de votre sage auto-compassion.

Sources

Vidéo : The Space Between Self-Esteem and Self Compassion: Kristin Neff at TEDxCentennialParkWomen
Toward a State of Esteem. The Final Report of the California Task Force to Promote Self-esteem and Personal and Social Responsibility.
Livre : Jean Pierre Famose, Jean Bertsh « L’estime de soi, une controverse éducative », PUF 2015

Livre S’aimer, comment se réconcilier avec soi même. Kristin Neff Belfond
The “What is” and “Why” of Self Esteem Discoveries About the Source and Role of Self Esteem in Everyday Life. Roger C. Mills, Ph.D Research gate (https://www.researchgate.net/publication/267855091_The_What_is_and_Why_of_Self_Esteem_Discoveries_About_the_Source_and_Role_of_Self_Esteem_in_Everyday_Life)

A New Understanding of Self: The Role of Affect, State of Mind, Self-Understanding, and Intrinsic Motivation ; Roger C. Mills ; The Journal of Experimental Education ; Vol. 60, No. 1, Unraveling Motivation (Fall, 1991), pp. 67-81

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