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Jean Luc Monsempès

Comme nous l’avons vu dans la première partie de cet article, l’écoute n’est pas un processus facile, même chez les professionnels de l’accompagnement. Ecouter l’autre, ne consiste pas uniquement à entendre les sons et les mots prononcés par l’autre avec notre appareil auditif, mais à reconnaitre les mots et à en comprendre le message et le sens. C’est bien celui qui s’exprime qui en donne le sens et qui peut dire si il a été entendu ou pas. Toute la difficulté de celui qui écoute est de combler les écarts de signification possible entre deux cadres de référence. Ce qui implique d’établir un contact avec un modèle du monde unique, pour y découvrir, parfois une validation de ce qu’on y cherche, ou parfois quelque chose dont on ne supposait pas l’existence. Gardons en tête que la raison d’être de l’écoute est de faire en sorte que l’autre soit réellement entendu. Comment procéder pour que l’autre soit réellement vu, entendu et validé dans son unicité ? Comme nous allons le voir, bien des obstacles s’opposent à la réelle écoute de l’autre. Cette deuxième partie de l’article explore les difficultés et ambiguïtés de la pratique de l’écoute, et comment ces limites s’appliquent aux processus d’écoute de la PNL

Explorer et découvrir l’univers de l’autre

Comment écouter ce qui est unique en chacun de nous ? La découverte du territoire inconnu qu’est l’autre, est facilitée par l’utilisation d’une bonne carte. Mais quelle carte utilisez vous ? Le plus souvent la nôtre, car le plus simple est de se  raccrocher à ce que nous connaissons déjà, à savoir notre propre expérience. Ou parfois une des multiples cartes du psychisme humain que nous propose le monde de la psychologie.

Par exemple, si vous voulez savoir quel type de personnalité prédomine chez votre interlocuteur, ce que vous allez identifier dépend du choix de la cartographie que vous utilisez : une carte avec 4, 5, 6, 9 ou 12 types de personnalité ? Ces choix sont arbitraires, car jusqu’à présent aucun consensus n’a pu être établi au sein de la communauté scientifique sur le nombre de type de personnalité avec lesquels nous cohabitons.

La carte est utile car elle oriente votre attention et votre recherche, mais la carte conditionne ce que vous allez trouver dans le territoire de l’autre. Ce qui n’est pas présent sur votre carte restera pour vous une zone aveugle. Quelle est votre carte personnelle pour découvrir le monde de l’autre ? Celle de la psychanalyse ? Celle de l’Analyse Transactionnelle ? Celle de la PNL ?  Celle de la bioénergie ? Celle des types de personnalité…? Des centaines de cartes du psychisme humain sont disponibles sur le marché. Le choix de votre carte détermine le regard que vous portez sur l’autre et va créer la réalité de ce que vous allez découvrir chez l’autre. Si cette démarche est rassurante et aidante, elle constitue aussi un immense piège. Car dès que vous écoutez l’autre en sachant d’avance ce que vous cherchez, vous vous éloignez de la raison d’être de l’écoute, à savoir la découverte de la réalité unique de l’autre.

Par définition, un territoire inconnu est celui qui n’a pas encore été cartographié. En quoi la carte de l’Amazonie va vous aider à découvrir la richesse végétale et animale d’une nouvelle forêt découverte en Nouvelle Guinée ? Il en est de même pour la psychologie humaine. En quoi une carte du psychisme humain, même si sa validité a fait l’objet d’un consensus va t-elle vous aider à mettre à jour ce qui est unique ?.

De nombreux professionnels des relations humaines considèrent qu’ils pratiquent une écoute qui leur permettent, à partir des observations et déductions qu’ils font de leur carte de lecture de l’autre, de définir la réalité d’une personne. Des professionnels qui acceptent la vérification de leur position, en visionnant par exemple l’enregistrement de leurs entretiens professionnels, pourront constater par eux même qu’ils n’ont pas réellement écouté leur interlocuteur, mais qu’ils se sont fait une idée préconçue de qui est leur interlocuteur. Cette idée a guidé la recherche d’information du professionnel, l’éloignant parfois grandement de la réalité de l’autre. Ce que dit l’autre de sa réalité passe au travers de nos filtres culturels, neurologiques et linguistiques et parviennent dans notre propre réalité parfois avec des écarts de perception considérables. Par des processus d’omissions, de généralisations et de distorsions, nous pouvons construire une carte de l’autre qui est fort éloignée de ce que l’autre exprimait réellement. C’est la raison pour laquelle les supervisions des pratiques professionnelles sont si importantes dans les métiers de l’accompagnement.

Ecouter l’autre pour le comprendre l’autre

Comment expliquer que nous ayons tant de mal à écouter pour percevoir la réalité de l’autre ? Probablement parce que la fonction de l’écoute est mal définie et expliquée. Je pense que de nombreux professionnels des métiers de l’accompagnement, des RH et du social ont été formés avec l’idée que pour saisir la réalité de l’autre, il convient de décoder son mode de fonctionnement à partir de grilles de lectures particulières. La grille permet d’interpréter un propos ou un comportement d’une manière précise.

Avec ce type d’écoute, l’attention de celui qui écoute est focalisée sur la compréhension du mode de fonctionnement de l’autre, et non pas sur la personne. Trop préoccupé par son besoin de décoder ce que son interlocuteur exprime, le professionnel ne peut être disponible pour écouter et entendre réellement qui est la personne qui s’exprime. En fait, plus vous ferez des efforts pour comprendre l’autre, plus vous vous éloignerez de la possibilité d’entendre qui est l’autre.

Une écoute profonde ne demande pas d’efforts, mais avant tout un état de réceptivité, une disponibilité à accueillir et recevoir ce que l’autre dit de sa réalité. Cette disponibilité exige de faire silence en soi et dans ses pensées. Si vous faites trop de bruits en vous par votre préoccupation à penser à ce que vous devez écouter ou dire à l’autre, vous n’êtes pas en mesure de capter les sonorités des propos de votre interlocuteur. L’autre parle de son monde et de son univers, mais si vous n’êtres pas réceptif, vous ne pouvez même pas le remarquer. Vous écoutez peut être les mots de l’autre, mais vous n’écoutez pas la musicalité des mots et des gestes, et ce que cette musicalité révèle de profond chez l’autre. Ecouter exige bien plus qu’un silence en soi. Car une disponibilité à l’autre nécessite une disponibilité à soi. Entendre « l’essence » l’autre, implique de savoir entendre sa propre « essence ». Se connecter à l’autre nécessite de se connecter à soi. Une présence à l’autre implique une présence à soi. La capacité à saisir la réalité profonde de l’autre dépend de sa capacité à faire de même en soi.

En dehors de ces dernières conditions il n’y a pas réellement de connexion profonde de personne à personne, donc pas d’écoute réelle. Peut-être juste une relation superficielle, un contact entre les masques portés par deux personnes. Et c’est pourtant ce qui se passe le plus souvent, même chez des professionnels de l’accompagnement : ce dernier pose des questions et «écoute» les réponses polies de son interlocuteur. A partir de ces réponses le professionnel va établir une cartographie de ce qu’il croit être l’autre. Une cartographie de surface et de ce qui peut être connu et prévisible chez l’autre. Mais probablement pas une cartographie de ce qui est profond et unique chez l’autre.

Dans votre rôle de médecin, de conseiller commercial ou de marqueteur….etc, l’écoute de surface va suffire pour obtenir des données de type démographique sur votre interlocuteur. Vous recherchez des informations précises et vous écoutez les réponses aux questions que vous avez posées. Cet échange ne change rien à la rencontre des deux interlocuteurs. En tant que professionnel de l’accompagnement et du changement transformationnel, c’est une écoute profonde dont vous avez besoin. Et pendant ce moment de découverte, votre titre sera bien plus un handicap qu’un atout. Tenir un rôle pendant l’écoute ne vous servira plus à rien. Bien au contraire, cela peut constituer un facteur limitant. Une écoute profonde implique la connexion profonde d’un humain avec un autre humain. Il convient donc de laisser tomber les masques des rôles, des titres ou des égos, ce qui peut être perçu comme insécurisant. Seule une profonde connexion peut permettre de révéler ce qui est resté à ce jour masqué et qui est en attente d’être vu. Ce type d’écoute est générative car vous entendez alors mutuellement des réponses aux questions que vous n’avez même pas posées et qui révèlent l’unicité ou l’authenticité de chacun. La connexion qui apporte à chacun le sentiment d’avoir été réellement vu et entendu dans sa singularité, apporte un réel changement et enrichissement au vécu des deux personnes.

Ecouter pour que l’autre soit entendu

Comme nous l’avons vu, l’écoute de l’autre n’est pas un but mais un moyen, le véritable but étant que l’autre ait été entendu. Seule la personne écoutée peut percevoir consciemment ou non si elle a été entendue. Etre entendu non pas dans sa superficialité mais dans sa profondeur. Etre entendu dans sa singularité, c’est être vu, reconnu, considéré et validé en tant que personne, c’est se sentir existé et considéré dans sa différence. Etre vu et entendu, signifie que nous avons de la valeur, que vous avons notre place et notre raison d’être dans ce monde, que nous avons une contribution à apporter au monde…etc. Albert Camus disait que nous n’existons pas tant que nous n’avons pas été vu et béni par des personnes importantes pour nous. Etre vu et entendu dans notre différence est le principe du sponsorship ou du parrainage décrit par Stephen Gilligan. Se sentir entendu dans sa différence et exister dans la perception de l’autre donne des ailes et permet la libération d’une énergie considérable.

Ne pas être entendu, c’est ne pas exister dans la perception de l’autre. La réaction est celle de la soumission face à une position de pouvoir ou d’autorité, soit celle de la résistance ou de la révolte. Un interlocuteur qui résiste ou devient agressif est probablement une personne qui n’a pas été entendue.

Pourquoi est-ce si difficile d’écouter

Ecouter, c’est-à-dire faire ce qu’il faut pour que l’autre soit entendu, implique un état interne particulier de présence à soi, d’attention éveillée et de non directivité. Car la qualité d’une présence à soi même conditionne la qualité de la présence que je peux offrir à l’autre. Le degré d’ouverture et d’attention consciente que je porte à ma propre expérience en tant qu’humain (et non dans un rôle ou un égo) détermine l’attention que je porte à l’autre. De même la richesse des réponses obtenues sur le modèle du monde de l’autre, dépend d’une capacité à être non directif et libre d’une volonté de résultat. Pas facile à faire me direz-vous ? Cette compétence ne relève pas du savoir faire ou d’une technique, mais plutôt d’un savoir être qui lui même résulte d’un travail sur soi. Plusieurs raisons peuvent expliquer les difficultés à l’écoute et à son apprentissage.

La valeur qui est accordé à l’écoute

Qu’elle valeur accordez-vous à l’écoute ? Une démarche de politesse, une perte de temps au travail, un échange socialement utile mais non productif, une démarche réservée à certains domaines de vie (le confessionnal, la thérapie, l’inimité), ou à certaines personnes situées sur une échelle hiérarchique ? Une écoute rattachée au faire ou à l’avoir (une attente de résultats ou de productivité), sera bien peu déconsidérée. Une écoute rattachée à l’être a bien plus de valeur, car elle ouvre un espace de découverte dans lequel quelque chose d’inattendu peut émerger. L’écoute n’est pas toujours considérée à sa juste valeur dans les organisations. Comme si cette écoute pouvait être contreproductive. Dans une vision taylorienne et mécaniste de l’entreprise, l’écoute a peu de place. Il y a ceux qui donnent des directives et ceux qui écoutent pour exécuter ces directives. Quand l’organisation est perçue comme un système vivant, l’écoute devient un élément fondamental des relations de qualité entre les membres du groupe. L’écoute crée un climat de confiance et de sécurité psychologique, l’écoute est le fondement de l’engagement individuel, de toute intelligence et performance collective. Si l’écoute n’est pas valorisée à sa juste valeur, il est bien légitime de ne pas s’investir dans le travail personnel qu’il représente.

Les rôles auto-attribués dans l’écoute

Celui dont l’écoute est sollicitée peut adopter deux postures en polarité qui peuvent se succéder mais qui ne peuvent exister simultanément. Chaque posture a un impact très différent sur la personne en attente d’écoute.

La première posture est descendante (directive et volontariste), souvent dictée par le désir de vouloir aider l’autre et apporter une réponse rapide aux situations exposées par l’autre (Voir les attitudes de Porter). L’attitude et les comportements qui en résultent communiquent à l’autre notre volonté de diriger l’entretien et de décider des solutions à y apporter. C’est l’attitude d’une position paternaliste, complémentaire ou hiérarchique. Celui qui écoute s’impose de montrer son savoir, sa capacité à analyser une situation et à prendre des décisions.

La deuxième posture est ascendante (non directive et réceptive), souvent dictée par la croyance que l’autre peut trouver par lui même les solutions aux problèmes exposés. La posture et les comportements qui en résultent, communiquent à l’autre notre volonté d’ouvrir pour l’autre un espace de protection et de liberté d’action et d’expression propice au développement de son autonomie. L’autre est invité à prendre part activement aux recherches de solutions et aux décisions. C’est la posture d’une position ni paternaliste, ni hiérarchique, mais symétrique, de deux personnes qui se rencontrent en laissant de côté leurs rôles ou leur égos. Le professionnel a ici l’exigence de ne pas montrer son savoir, ni analyser, ni décider, mais d’offrir un cadre pour que l’autre prenne ses responsabilités et trouve ses propres solutions.

Selon les contextes, une posture est plus appropriée que l’autre et il est donc utile de faire preuve de flexibilité. Une trop forte identification à une posture va constituer un frein à la flexibilité. Passer d’une posture à une autre peut être perçu comme un grand écart à faire au niveau des croyances. La posture associée à la nécessité de savoir rend difficile l’accès à la ressource que représente l’écoute, et au savoir que l’autre peut apporter à sa propre situation. L’impact de ces deux attitudes est très différent, et conduit à des résultats très différents.

La peur de se perdre en l’autre

Faire silence en soi et mettre de côté son cadre de référence et son égo pour se mettre à l’écoute de l’univers de l’autre, c’est accepter de se laisser guider dans un territoire inconnu qui n’est pas le nôtre et que nous ne pouvons contrôler. Dans l’écoute vous ne guidez pas, c’est le monde de l’autre qui vous guide. Certains auront peur de se perdre dans le territoire inconnu de l’autre, de rester coincé voire disparaître dans les pièges du monde de l’autre, ou de tomber amoureux du monde de l’autre et de vouloir y demeurer. C’est le cas des personnes qui peuvent avoir trop d’empathie et qui se laissent absorber, aspiré, dissoudre dans le monde de l’autre. Mais écouter ne signifie pas relâcher les frontières de notre identité. Une présence à soi, un centrage et des frontières identitaires solides entre qui je suis et qui est l’autre permettent de faire des incursions dans le territoire de l’autre et revenir chez soi dès qu’on le décide, pour être en mesure de décrire nos découvertes.

L’acceptation de la réalité de l’autre

L’écoute représente avant tout une découverte et une reconnaissance de ce qui est présent dans le modèle du monde l’autre, au-delà des apparences, sans chercher à comprendre, à évaluer, à questionner, interpréter ces découvertes. L’écoute est une observation et validation des choses telles qu’elles sont. Une attitude de curiosité et de neutralité permet d’ouvrir les portes du monde de l’autre et de découvrir ce que l’autre n’avait pas envie de révéler à tout le monde.

Se mettre dans un état de non savoir

Plus nous acceptons que nous savons peu de choses des autres et du monde qui nous entoure, plus nous augmentons nos chances de découvrir ce que nous ne savons pas. Celui qui croit déjà connaître, ne peut écouter, découvrir et apprendre. Pour une écoute profonde, l’état de “non savoir” constitue un état d’excellence. Carlos Castaneda raconte qu’il a appris des indiens Yacqui que les plus grands sorciers au monde sont les bébés, car ils sont dans un état “nerk nerk” de “non savoir” Pour se mettre à l’écoute du monde, le bébé ne possède pas encore de filtres culturels, neurologiques ou linguistiques. Il peut ainsi s’ouvrir complètement à toutes les possibilités d’écoute, de découverte  et d’apprentissage à partir de ce qu’il observe chez l’autre. L’enfant s’imbibe du savoir du monde qui l’entoure, sans avoir conscience de ce qu’il a appris. Avec la mise en place de la vision focalisée et du langage, l’enfant apprend à nommer, à séparer et à figer, ce qui va produire des effacements énormes, des sur-généralisations et des distorsions. Il croit alors qu’il sait. Sa physiologie, son système de perception et de représentation vont s’organiser pour soutenir ses croyances et limiter ses états d’excellence en matière d’écoute et d’apprentissage. Les jugements hâtifs, les réactions intempestives, l’absence d’écoute, sont des occasions perdues d’apprendre quelque chose de nouveau dans notre rencontre avec l’autre. Nos croyances et nos préjugés, surtout avec la justification d’une expérience du passé “Je sais parce que j’ai été ou j’ai fait….” sont des barrières à l’écoute et à l’apprentissage dans le présent.

Gregory Bateson parlait des deux voies du savoir : celle inconsciente de l’unité corps-esprit ou on ne sait pas qu’on sait, et celle consciente du savoir cognitif ou on sait que l’on sait. Cet état de “non savoir” est la qualité principale pour la modélisation intuitive. Cet état est associé à la suspension des filtres de son jugement et de son dialogue interne, au relâchement des tensions excessives du corps et de la vision focalisée, et à l’adoption d’un état d’éveil, de calme et de silence intérieur. Pas facile à faire. Mais quand on y arrive, la magie de l’écoute et de l’apprentissage instantanée réapparaît.

La préparation à l’écoute

Est-il nécessaire et utile de se préparer à l’écoute ? Si vous préparez vos questions, vous ne préparez pas l’écoute mais une récolte d’informations. Peut-on se préparer à découvrir quelque chose d’inconnu de l’autre ? La seule préparation possible et utile, est une préparation à l’accueil de tout ce que l’autre souhaite exprimer de son modèle du monde. La préparation implique une déconnexion du bruit de fond qui accapare notre mental, et une reconnexion à quelque chose de plus profond et de plus authentique en moi. Deux questions me semblent importantes pour se préparer à l’écoute ;

La première concerne l’objet de mon écoute : “qu’est-ce qui a besoin d’être entendu chez l’autre, le prévisible ou l’imprévisible, son égo ou son âme ?” Ce que l’autre dit faire de si bien ou de si lamentable ?. Le rôle que l’autre souhaite jouer en votre présence ? Ou ce qu’il y a de singulier, de beau et de pleinement vivant au-delà des apparences ?. La question est importante car vous serez invité à écouter et entendre chez vous ce que vous voulez écouter et entendre chez l’autre.

La seconde concerne le type de miroir que vous souhaitez donner à l’autre. Qui êtes-vous en écoutant l’autre ?. Quel miroir souhaitez-vous offrir à l’autre pour refléter ce qu’il exprime ?. Le miroir de la superficialité ou celui de l’authenticité ?. Le miroir du magnétophone enregistreur ou celui d’une présence humaine ?.

Je suis souvent surpris de lire qu’écouter c’est s’oublier ou se mettre en veilleuse. Mais oublier quoi de soi ? Il est certainement utile d’oublier et de mettre son mental sur « pause » car ce dernier a de bonnes chances de grandement polluer la réception des messages que vous adresse l’autre. Mais se mettre à l’écoute de la nature profonde de l’autre, nécessite de se mettre à l’écoute de votre propre nature profonde. Car on ne peut écouter chez l’autre que ce qui est présent chez soi. Vous ne pouvez accueillir de l’autre que ce que vous savez accueillir de vous.  Si ce qui nous est exprimé par l’autre fait écho émotionnellement en vous, vous avez besoin de savoir rapidement reconnaître et accueillir ces émotions en vous pour être en mesure de le faire avec votre interlocuteur.  Il n’est donc pas possible de s’oublier pour écouter l’autre. Bien au contraire, pour reconnaître ce qui se passe chez l’autre,  il me paraît indispensable de savoir ce qui se passe en nous.  Pour une bonne préparation à l’écoute, je renvois le lecteur à l’état COACH (voir plus bas).

L’écoute active a t-elle une place dans la PNL ?

Pour Porter, l’écoute active vise à mieux comprendre son interlocuteur et à l’encourager à s’exprimer sans aucune directivité. C’est un processus qui privilégie avant tout le canal auditif.
Qu’en est-il de l’écoute active dans le champ de la PNL ?. Peut-on réellement écouter son interlocuteur lorsqu’on doit le faire avec en tête le tableau de bord de toutes les distinctions du modèle PNL ?. Comment écouter réellement toutes les composantes de l’expérience humaine avec la grille de lecture de la PNL ?.

La Neurologie (les modalités et sous modalités sensorielles, les stratégies diverses, les niveaux d’abstraction et d’expérience, les valeurs et les méta-programmes…etc.).
Les Programmes comportementaux externes : le langage non verbal avec la posture, les mouvements oculaires, les expressions, le rythme respiratoire, les gestes, les mouvements, les caractéristiques de la voix, la manière dont son interlocuteur vit cette expérience (les émotions).
La linguistique : les omissions, les généralisations et les distorsions  (croyances) ; les métaphores…etc.

Si je ne suis pas sûr qu’un robot puisse capter autant d’informations, comment pourrait le faire un humain. Que devient l’écoute si on doit prendre en compte autant de paramètres ?. Je considère que dans le champ de la PNL, deux types d’écoute peuvent coexister et alterner. Pour distinguer ces deux formes d’écoute la question principale est celle-ci : à partir de quels aspects de votre fonctionnement écoutez vous ?.

Dans la première forme d’écoute, c’est avant tout votre tête qui écoute. C’est une écoute mentale, descendante et focalisée sur la compréhension du modèle du monde de l’autre. C’est votre tête qui dirige le processus d’écoute, la recherche d’un certain nombre d’informations.
Dans la seconde forme d’écoute, c’est votre centre qui écoute. C’est une écoute ascendante et focalisée sur la personne. C’est votre centre qui est à l’écoute de vous même et de l’autre.

L’écoute «descendante» de la PNL

Pour la PNL, l’écoute de l’autre n’est pas qu’auditive, car elle est multi sensorielle et commence par une écoute comportementale. Je montre à l’autre que je suis à son écoute, en reflétant certains aspects de ses comportements verbaux et non verbaux. La synchronisation permet d’établir un climat de confiance et de compréhension mutuelle. La synchronisation n’implique pas une affinité affective entre deux personnes et peut s’établir même si elles ont conscience de leurs différences ou de leurs divergences. La synchronisation est une composante du «rapport », c’est à dire de la capacité à calibrer le modèle du monde de l’autre pour s’y aligner puis pour le guider vers la réalisation d’un objectif. S’il y a guidage de l’autre, il ne peut plus y avoir d’écoute. Selon les modèles PNL, la synchronisation sera facilitée par l’adoption d’un état d’esprit particulier (présupposés et méta-programmes).

Les présupposés PNL qui facilitent la synchronisation : «Chaque personne possède sa propre carte du monde».  « Aucune carte individuelle n’est plus “vraie” ou plus “réelle” qu’une autre ». «Le sens de la communication réside dans la réponse obtenue chez l’autre, quel que soit l’intention de l’émetteur du message ».

Certains méta-programmes vont également faciliter la synchronisation : la conscience externe et une attention centrée sur l’autre ; et la perception simultanée de tout ce qui peut nous différencier (comportements, capacités, valeurs et croyances) et tout ce qui peut nous rassembler en tant qu’être humain, au-delà de toutes différences culturelles, religieuses, politiques). Il y a deux façons de percevoir les autres. Vous pouvez choisir de mettre l’accent sur les différences ou les similitudes entre vous. Vous pouvez toujours trouver des choses que vous avez en commun avec quelqu’un, même si c’est juste être humain. De même, il y aura toujours des différences entre vous et un autre.  En mettant l’accent sur les différences, vous aurez plus de mal à établir la synchronisation. En mettant l’accent sur les similitudes, les antagonismes et résistances s’atténueront et disparaîtront pour faciliter la coopération. La pratique permet de trouver ce que nous partageons avec d’autres personnes et de nous y concentrer.

La deuxième position de perception  facilite également la synchronisation : elle consiste a adopter le cadre de référence de l’autre, de faire comme si on pouvait rentrer dans les chaussures de l’autre pour percevoir le monde avec son système sensoriel.

Toutes ces distinctions de la PNL, qui sollicitent grandement les capacités mentales, sont-elles des obstacles à l’écoute ?.  En effet si vous êtes focalisé sur l’identification des violations du méta-modèle ou l’identification des méta-programmes de votre interlocuteur, vous avez une écoute très sélective car vous cherchez à comprendre certains aspects du fonctionnement de l’autre. Mais vous n’écoutez pas vraiment la personne et vous n’écoutez pas ce que vous ignorez tout de l’autre.

L’autre distinction importante concerne le lieu dans lequel vous disposez vos tableaux de bords PNL. Si vous disposez vos tableaux de bords entre vous et votre interlocuteur, vous allez focaliser votre attention sur vos tableaux de bords, quitte à oublier la personne que vous êtes censé écouter. Maintenant qu’en est-il si vous positionnez vos tableaux de bord quelque part dans l’espace, sur vos côtés ou haut dessus de vous, de façon à ce qu’ils ne constituent pas une barrière entre vous et l’autre. Si vous avez le nez sur les compte-tours de votre voiture, vous ne pouvez plus regarder plus la route.

L’écoute ascendante à partir de votre centre

Pour vous connecter à votre interlocuteur, vous devez en premier vous connecter à vous même, c’est à dire à votre centre. Et votre mental va vous y aider. L’état de centrage se retrouve dans l’état COACH de Robert Dilts.

Centrez-vous dans votre cops, en portant votre attention sur votre ventre et en respirant à partir de votre centre.

Ouvrez votre champ de conscience en respirant à partir de votre poitrine et en ouvrant votre attention à l’ensemble de votre corps et de votre environnement.

Appliquez votre attention et votre pleine conscience à ce qui se passe en vous et autour de vous. Prenez conscience du volume en trois dimensions de votre corps. Continuez à élargir votre conscience pour inclure l’espace sous vos pieds, au-dessus de votre tête, derrière vous, devant vous, à votre gauche et à votre droite. 

Connectez-vous à vous même, aux autres et aux systèmes plus vastes dont vous faites partie. Vivez le sentiment de connexion intérieure (tous vos organes) et extérieur (terre, environnement, ciel….etc.) de façon à vous sentir à la fois un tout et une partie de quelque chose de plus vaste que vous. 

Honorez  et accueillez ce qui se présente à partir d’un état de ressource et de curiosité.  Imaginez-vous projeter un sentiment de calme, de confiance et de curiosité dans l’espace que vous percevez autour de vous.

Cet état COACH engage votre cœur, votre corps et votre esprit dans l’interaction, sans aucune attente ou crainte sur la façon dont vous êtes perçu, car vous êtes totalement présent à vous et à l’autre. Et la qualité de cette présence est certainement le plus beau cadeau à offrir à votre interlocuteur. Plutôt que de tenter de vous soucier des détails du contenu des propos (toutes les distinctions de la PNL), écoutez la personne dans sa globalité et son intégrité en sachant capter ce qu’il y a d’unique et de non blessé chez elle.

Dans cet état COACH, vous êtes connecté à la force de vie en vous et à la vitalité de votre raison d’être. Vous êtes aussi profondément connecté à votre interlocuteur. tout en restant connecté à votre centre. Quand vous prenez contact avec votre interlocuteur, laissez vos yeux s’ouvrir d’abord sur le champ périphérique, plutôt qu’une partie quelconque de la personne. En regardant votre interlocuteur, vous pouvez assouplir et élargir votre champ visuel en restant ouvert à l’espace qui l’entoure. C’est cet état de centrage actif et cet espace d’accueil qui permet d’écouter, de voir et entendre son interlocuteur dans sa globalité et son intégrité. Votre interlocuteur va alors peut être témoigner qu’il a vraiment été entendu, pas seulement dans ce qu’il dit, mais dans ce qu’il est. Cette écoute est générative car elle relie l’individu à ce qu’il valorise le plus, ses valeurs, sa raison d’être, sa créativité. Cette écoute est générative dans le sens où elle transforme les personnes en présence. 

« Il existe un curieux paradoxe : lorsque je m’accepte tel que je suis, alors je peux changer » Carl Rogers

Un exemple

Voici un extrait d’une interview de Georges Brassens par André Sève (extrait du livre “Toute une vie pour la chanson”).

G.B : Tu sais, à force de réciter des poèmes en classe, et d’écouter des chansons, on voit à peu près comment ça se fabrique

A.S : Mais tu as travaillé la versification ?

G.B : La plupart de ceux qui écrivent des chansons n’ont pas étudié la versification. On est fait pour écrire des chansons ou on n’est pas fait pour ça. Si on est fait pour ça, on n’a pas tellement besoin d’apprendre les règles

A.S : Toi, tu les as apprises ?

G.B : Oui, plus tard, parce que je raffinais un peu, mais…

A.S : Tu en as conservé de tes premières chansons ?

G.B : Non. On peut écrire des chansons sans…tu m’écoutes ou pas ?

A.S : Non, c’est parce que…

G.B : Tu suis ta pensée, je sens ça. Tu viens ici avec des idées préconçues, et tu veux toujours suivre ton chemin, pas le mien. Quand j’avance quelque part sur une idée, il faut me laisser partir et tu m’arrêtes. Là, j’aurais pu dire des choses mieux. Mais il faut le temps pour que ça vienne.

A.S : On y reviendra

G.B : Il ne faut même pas dire qu’on y reviendra. Il faut qu’on continue de parler, sans que tu t’occupes des questions que tu as fabriquées ou que toi, tu veux suivre. Veux-tu du Brassens ou veux-tu fabriquer Brassens ?. Si tu suis ton idée, tu perds ce que moi, en suivant ce qui me venait, j’allais te dire…

A.S : Les spécialistes n’ont pas su m’ouvrir à tes musiques, ni même tellement à tes textes

G.B : Parce que toi, tu ne t’ouvres que si tu veux. Depuis que tu me questionnes, je le vois bien. Quand je t’explique quelque chose qui ne coïncide pas avec ce que tu voulais que je dise, tu détournes la conversation.

A.S : Moins maintenant ?. Après trois jours d’écoute.

G.B : “D’écoute”, si on veut. Non, tu attends, et quand ça coïncide avec ce que tu attends, pof, ça fait tilt, tu me regardes d’une façon vivante, tu es ouvert. Mais quand ça ne coïncide pas, je vois ton visage sans vie. Je te surveille, tu sais, j’en apprends beaucoup sur toi en regardant ton comportement d’interviewer. Tu arrives ici avec un Brassens entièrement préfabriqué dans ta petite tête et tu veux me faire entrer là-dedans. La seule chose qui t’intéresse, c’est de me faire dire ce que, d’après toi, Brassens doit dire, ce que Brassens doit être. Tu pourrais avoir le vrai Brassens, et en tout cas, un Brassens inattendu. Mais tu t’es préparé au Brassens que tu veux. On attend toujours les êtres comme on les veut, on est pas prêt à la surprise “.

Jean Luc Monsempès pour Institut Repère 21 juin 2019

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