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Cet article, qui est une synthèse de différentes interviews de Stephen Gilligan, cherche à expliquer les fondements de son approche sur l’hypnose générative. Le premier extrait porte sur les différences entre hypnose traditionnelle et hypnose Ericksonnienne. Si l’hypnose conventionnelle voit la transe comme un objet fabriqué, découlant des suggestions hypnotiques, l’hypnose ericksonnienne voit la transe comme un état psychobiologique naturel qui résulte des évènements de la vie. Le second extrait porte sur l’héritage de Milton Erickson et l’évolution singulière du travail Stephen sur la relation au Soi, et comment le travail des relations au Soi diffère de l’héritage Ericksonien d’au moins trois façons. Le troisième extrait concerne la pratique de l’Aikido et évolution vers le Soi génératif et ses principes de base. L’idée générale étant d’accueillir l’énergie de l’attaquant comme une opportunité d’apprécier une relation et d’aller vers un certain endroit intéressant

Les différences entre hypnose traditionnelle et Ericksonnienne

Q : Quelles différences y-a t’il entre l’hypnose ericksonnienne et l’hypnose conventionnelle ?

Vous pouvez lire mon premier livre, « Transes Thérapeutiques : le principe de coopération dans l’hypno thérapie ericksonnienne », pour une vision détaillée de ces différences. Je mettrais ici l’accent sur deux différences principales.

Premièrement, l’hypnose conventionnelle voit la transe comme un objet fabriqué, découlant des suggestions hypnotiques, alors que l’hypnose ericksonnienne voit la transe comme un état psychobiologique naturel qui résulte des évènements de la vie. En fait, l’hypnose traditionnelle considère que la transe est purement et simplement le résultat des suggestions de l’hypnotiseur. Donc, elle ne peut se produire tant que la situation définie comme « l’hypnose » et quelqu’un appelé « l’hypnotiseur » pratique quelque chose appelé «technique hypnotique » avec quelqu’un appelé « le sujet ». A l’inverse, Erickson insistait sur le fait que la transe se produit avec ou sans hypnotiseur. (Elle vient vous prendre, que vous le vouliez ou non…). Ma meilleure interprétation est que la transe soit un état d’apprentissage particulier, qui se déclenche quand l’identité est menacée, perturbée, ou a besoin de se réorganiser.

Cela peut se produire dans de nombreuses situations : – traumatisme, – périodes de transformation dans la vie de la personne (naissance, mort, maladie, diplômes, mariage, divorce..), –  contextes d’incertitude. A de tels moments, l’identité normale d’une personne n’est pas équipée pour répondre de manière adéquate à la situation.  Par exemple, si vous avez une identité entant que personne seule et que vous vous marriez, votre ancienne identité ne peut pas vraiment rencontrer le nouveau défi. Alors, il faut un processus qui permette de laisser aller votre ancienne identité,  et d’entrer dans un état où une nouvelle identité peut être générée. La transe est l’état ressource naturel précis de ces moments là.

L’hypnose est l’une des traditions sociales qui peut fournir un espace rituel pour recevoir et guider le processus de transe vers des chemins utiles. Donc vous comprenez, un hypnotiseur ericksonnien cherche où et comment la transe est déjà en marche, plutôt que d’en créer une artificiellement. La deuxième différence, en relation avec la première, est que l’hypnose traditionnelle pense généralement la transe au singulier, tandis que l’hypnose ericksonnienne met toujours l’accent sur sa pluralité. Toutes les transes ne sont pas des créations égales. Erickson soulignait combien chaque personne est radicalement unique, ce qui se révèle vraiment  en transe. J’aime préciser à mes clients (avec un zeste d’humour irlandais), mon « diagnostic » : vous êtes un déviant incurable, et c’est de pire en pire chaque jour ! C’est à dire que ce qu’ils font, savent, expérimentent, et expriment, ne ressemble à rien de ce que le monde a jamais connu. Leurs tentatives pour s’intégrer aux définitions de « succès » ou de « normalité » de quelqu’un d’autre ont échouées misérablement, et légitimement ! (Mais à nouveau, cela n’est dit qu’une fois l’étincelle d’humour irlandais – ou son équivalent – installée).

Le caractère unique est si apparent… chaque personne la vit différemment. Par exemple, il arrive très fréquemment qu’une personne sorte de transe dans mon bureau et dise quelque chose comme : « Wow ! La chose la plus incroyable vient de se produire ! ». Elle décrit alors ce qui s’est produit, et demande « est ce que cela arrive à tout le monde en transe ? ». Je suis souvent obligé de répondre qu’en 25 ans de travail avec la transe, c’est la première fois que je vois quelqu’un avoir une expérience pareille. Pour moi, c’est l’une des grandes valeurs de la transe : vous mettez de côté l’esprit conscient, qui est à la base une construction sociale conservatrice, et vous explorez l’esprit de l’expérience et de l’archétype, qui est beaucoup plus artistique et unique.

L’héritage de Milton Erickson et évolution singulière de St. Gilligan

Q : Votre propre travail a changé par rapport à celui qu’avait laissé Erickson. Nous vivons dans un monde social différent maintenant. Pouvez-vous décrire votre travail actuel ?

Il y a à peu près 8 ans (1991), mon père est mort et ma fille est née. Cela a généré un processus de mort/renaissance majeur en moi. Soudainement, je n’étais plus le fils de quelqu’un, j’étais le père de quelqu’un. Je me suis dit qu’il était temps pour moi de cesser d’utiliser Erickson comme une sorte de père de substitution. Il était temps de commencer à parler de ma propre voix, et de ne plus le charger de toute la responsabilité! Donc, les huit dernières années (depuis 1991), j’ai développé ce que j’appelle l’approche  Relations au Soi. Elle est décrite dans mon livre, « Le courage d’aimer, principes et pratiques de la psychothérapie Relations au Soi » (édition SATAS)

Le travail des relations au Soi diffère de l’héritage Ericksonien d’au moins trois façons.

La première, c’est l’intégration de ce que l’on appellera la « fonction d’Erickson » à l’intérieur du client. Erickson disait toujours que l’inconscient était très intelligent, mais il n’a jamais expliqué pourquoi la personne agissait si stupidement avant que lui, Erickson, n’entre en scène. J’ai l’impression qu’il commettait l’erreur occidentale typique de ne pas inclure l’observateur (lui même), dans la chose observée : autrement dit, ce n’était pas tant «l’inconscient du client seul » qui était intelligent – le ticket gagnant était  plutôt «l’inconscient du client en relation avec Erickson ». En admettant que cela ait effectivement fonctionné comme ça, la question est de savoir si ce qu’Erickson faisait (la « fonction Erickson »), quoique ce fût, pouvait être appris par d’autres et particulièrement par le client lui-même. Le client ne pouvait-il pas apprendre à s’entendre avec son « inconscient » comme Erickson le faisait ? Et si oui, quelle voix voulez-vous pour vous accompagner, celle d’un type mort ou la votre ? Avec tout le respect dû à Erickson (et il en mérite beaucoup), il est bon de savoir que l’on peut localiser et développer en soi-même la fonction Erickson. Nous essayons précisément de faire cela en Relations au Soi.

La deuxième différence est l’incarnation de l’inconscient. Dans le travail d’Erickson, l’inconscient avait souvent une forme quelque peu éthérée. Il était comme suspendu dans l’air. Les Relations au Soi mettent l’accent sur la vie en tant qu’art scénique, et observent comment les acteurs, danseurs, athlètes, artistes, font l’expérience de leur « inconscient créateur », et l’organisent. Nous voyons l’importance de l’incarnation, et insistons sur l’expérience somatique en relation avec l’inconscient bien davantage que ne le faisait Erickson. Par exemple, en examinant les états de bien-être que nous espérons reproduire dans d’autres contextes,  nous demandons : «lorsque vous ressentez cet état de bien-être et d’efficacité, où dans votre corps sentez-vous votre centre ? ». Nous cherchons alors comment reconnecter avec ce centre dans des situations difficiles.
Pareillement, en explorant les problèmes, nous posons la question fondamentale : « lorsque vous vivez le problème, où dans votre corps ressentez-vous le centre du malaise ? ».  La plupart des gens désignent leur cœur, leur plexus solaire ou leur ventre. Nous travaillons avec ça, en découvrant comment s’accorder pour que cela révèle l’inconscient créateur en action. Un «parrainage» est alors nécessaire pour révéler son apport.

La troisième différence est en rapport avec le « champ créateur ». Dans le travail d’Erickson, les gens allaient dans une transe qui s’éloignait généralement du monde. En fait, vous deviez fermer les yeux, ne plus bouger, et vous couper de l’extérieur. Un tas de choses intéressantes et utiles peuvent se produire dans cet état, mais ses performances sont limitées. Ce n’est pas une ressource très efficace si vous devez réagir rapidement à une situation sociale difficile, par exemple, si quelqu’un vous attaque ou vous critique, ou si on vous demande de régler immédiatement un problème. Donc, nous déplaçons la transe d’une zone éloignée du «ici», vers une zone d’ici et maintenant.

Beaucoup de ces choses viennent des cours d’aïkido, que je pratique intensément. En aïkido, si vous allez dans les accès oculaires, ou fermez les yeux, ou même pensez pendant que vous êtes attaqué, vous finissez par terre. Vous prenez une raclée ! Alors plutôt que de rentrer à l’intérieur, vous permettez à votre esprit de se déployer dans le champ qui vous contient, vous et votre partenaire, et bien d’autres présences. Les gens connaissent ce champ lorsqu’ils font l’expérience d’un bien-être profond, pensez aux expériences où vous vous sentez le plus connecté à vous-même, et notez où s’arrête votre « soi » dans de telles expériences. Les Relations au Soi cherchent à entraîner les gens à accéder au champ et à y travailler. Dans un sens, c’est là qu’Erickson travaillait, il n’allait pas dans la transe, il allait « dehors dans la transe », de plus en plus largement conscient, pourrait-on dire. Nous appuyons réellement là-dessus en Relations au Soi…

La pratique de l’Aikido et l’évolution vers le Soi génératif

Q: Vous êtes un praticien engagé dans l’art martial japonais de l’aïkido. Est-ce en rapport avec l’idée d’étreindre votre adversaire ?

S.G. Hé Bien, pas tout à fait. Comme pour n’importe quel principe créatif, il convient de trouver un point central qui permette une utilisation équilibrée de principes complémentaires. L’Aïkido constitue une grande métaphore pour examiner comment nous pouvons répondre aux attaques intenses d’une manière créatrice. Nous commençons par le principe, « se laisser tomber dans le centre, s’étendre dans le champ ». Cela signifie que vous ne vous accrochez pas aux attaques, mais que vous rentrez dans votre centre et puis dans l’espace qui vous intègre avec votre attaquant. Vous appliquez alors des principes tels que   « la distance appropriée », qui signifie être ni trop proche ni trop éloigné ; « une extension détendue », qui signifie être totalement concentrée mais pas musculairement bloqué ou rigide, « le mélange, » qui signifie rejoindre le modèle de l’attaque pour pouvoir le réorienter; et « rester connecté », qui signifie ressentir le point de raccordement entre vous et votre partenaire – par exemple où il vous saisit – comme centre partagé pour « donner et recevoir » des informations à un niveau profond.
L’idée globale est d’accueillir l’énergie de l’attaquant comme une opportunité d’apprécier une relation et d’aller vers un certain endroit intéressant. Je pense que c’est une croyance de base du soi génératif. De nombreux entraînements sont nécessaires pour pouvoir faire cela avec des énergies difficiles et perturbatrices. Cela implique une énorme base de compétences, et pas simplement une philosophie générale. C’est pourquoi nous nous exerçons. Et c’est pourquoi nous faisons ces ateliers.

Q : Est-ce que ce sont là les aptitudes de base du Soi Génératif ?

S.G. Oui, fondamentalement. En fait, je regroupe les aptitudes du Soi Génératif en trois principes de base.

Le premier est le « centrage » dans le soi somatique.
Ceci implique un lien et une communication profonde avec votre corps. Savoir se calmer, rester détendu sous l’effort, se connecter avec un autre être somatique en laissant des expériences traverser votre corps, de façon à activer des schémas archétypaux de savoir et de réponses. Ainsi vous pouvez penser plus clairement, de façon moins anxieuse, et moins négative. Nous disons que lorsque vous êtes centré, les bonnes choses tendent à se produire ; et quand vous n’êtes pas centré, les mauvaises choses tendent à se produire.

La deuxième catégorie de techniques est en rapport avec la « connexion au champ ».
Ce principe concerne toujours l’ouverture à quelque chose de plus grand que le problème. Quelque soit l’objet de l’attention de l’esprit, un souvenir, une pensée, une image, une douleur, vous pouvez vous entraîner à systématiquement élargir votre focalisation un peu au delà de cette attention. Vous pouvez ainsi traiter quelque chose sans être emprisonné par elle. Par exemple, si quelqu’un vous critique, l’esprit tend à se bloquer sur cette personne. Il pense alors en termes, soit de « combat» (attaquant la personne) ou de « fuite » (se retirer de la conversation). Quand vous vous formez à élargir votre champ, par exemple en vous focalisant doucement au delà ou derrière la personne tout en vous centrant, vous pouvez sentir l’attaquant sans être verrouillé dans son « induction négative». Vous pouvez être avec un problème sans devenir le problème. Le champ est une autre manière de parler de «l’inconscient créateur». Il peut ressembler aux 3ème et 4ème positions de perception de la PNL. Certains éprouvent le champ en étant en contact avec la nature, ou au cours de la prière, ou en jouant de la musique, ou au cours de l’acte sexuel, ou en présence d’un ami. Nous insistons sur le comment apprendre à accéder à ce champ créateur, non seulement dans des circonstances agréables, mais également dans des circonstances difficiles. Nous disons que quand vous restez relié au champ, des choses agréables tendent à se produire ; quand vous vous contractez le champ, des choses pénibles tendent à se produire. Avec des clients, n’importe quel blocage peut être perçu comme si il y avait perte de contact avec le champ créatif et avec leur centre.

La troisième catégorie de pratiques est en rapport avec le « parrainage cognitif ».Nous envisageons le Soi cognitif comme un pont entre le centre et le champ. Sa responsabilité principale est d’introduire les dons et la bonté du Soi dans le monde, tout en apportant la bonté et les dons du monde au Soi. Il est comme une sage-femme. Il est la base de la créativité. Nous avons déjà parlé de la façon dont le Soi cognitif pourrait être construit et utilisé de tant de manières. Nous soulignons son utilisation créatrice en tant que sponsor de la vie. Nous envisageons de nombreuses techniques pour sponsoriser la vie. Au cours de la formation, nous demandons à des participants d’identifier des domaines dans lesquels ils veulent sentir leur propre capacité au génie – et de voir comment incorporer ces principes du centrage, de la connexion au champ et du parrainage cognitif.

Q : Avez-vous entendu parler du travail d’Arnie Mindell ? Il parle également abondamment du « du champ» et a beaucoup écrit sur le Shamanisme, le Bouddhisme Zen, le Tao et Jung. Il parle également abondamment de l’activisme social.

S.G.- Je pense que Milton Erickson, que je considère comme mon principal professeur, était fondamentalement un shaman. Il rentrait dans des transes très profondes, il rentrait profondément dans d’autres mondes et profondément dans le monde du patient, et il utilisait l’inconscient pour des guérisons créatrices. J’ai débuté dans la tradition de Milton, mais cela a été un long chemin pour moi. Je ne suis pas sûr que ce qu’il faisait si profondément était émotionnellement sain (pour moi). Je sais qu’il n’était pas bon pour moi de vivre aussi profondément dans la transe, et d’avoir cela comme style de vie.
Vous savez, je pense qu’un bon nombre de gens ont accès à ces états en raison d’une profonde blessure – avec une ouverture profonde sur l’inconscient à partir d’une intense blessure – et ils deviennent des guérisseurs incroyables pour d’autres. Mais dans mon cas, et peut-être pour Milton, je ne sais pas, cela m’a éloigné de ma propre guérison.

Le travail sur les Relations à Soi que j’ai développé en dehors de mon travail sur l’hypno thérapie ericksonnienne, constituait une tentative pour introduire un peu plus d’équilibre dans le processus. Marchant et travaillant dans les deux mondes – le monde des profondeurs et le monde de surface – en même temps. En trouvant le point d’équilibre entre ces deux mondes, et en ayant des aptitudes qui permettent un échange créatif à travers les seuils. Ce que je pense, c’est que c’est vraiment un processus créatif.

Je pense que chacun devrait soigneusement considérer ceci. L’Aïkido a été pour moi une sorte d’éducation très différente de celle d’Erickson. En restant dans le champ, dans une connexion sensuelle avec le mouvement et les pulsations, tout en continuant à recevoir et être relié à l’autre monde… cela m’emmène à un endroit quelque peu différent. Comment situer le Soi pour vraiment sentir cette intersection entre les deux mondes et faire une promenade dans les deux à la fois ? – il n’y pas une seule manière de faire cela.

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