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Jean Luc Monsempès pour Institut Repère – Janvier 2020

Quel est le programme comportemental répété 25 920 fois par jour ? Le souffle est la vie, et si vous respirez bien vous vivrez longtemps sur terre, dit un proverbe sanscrit. Respirer est le comportement que nous répétons le plus au cours d’une vie, même en dormant : 12 à 18 fois par minute, soit 25 920 fois par jour, ou 775 millions de fois dans la vie d’une femme et 700 millions de fois dans la vie d’un homme. Ce comportement mérite donc toute notre attention car il impacte notre vie physique, mentale, émotionnelle et spirituelle. Mais en dehors de quelques physiologistes, poètes et des mystiques, peu de personnes s’intéressent à leur respiration au quotidien. Respirer est une fonction automatique régulée par une partie inconsciente de notre cerveau et cet automatisme assure un approvisionnement minimal ou de survie en oxygène ; et du fait de cet automatisme, nous ne cherchons pas ou peu à améliorer la fonction respiratoire, sauf bien sur si nous décidons de porter notre attention sur son aspect volontaire et conscient. Respirer étant une fonction naturelle depuis la naissance pour assurer notre survie, nous n’avons jamais appris à exercer notre influence sur la respiration pour aller au-delà de la simple survie. Car la respiration est en mesure de nous apporter le souffle dont nous avons besoin pour nous adapter au monde, y évoluer et nous transformer. Tout changement implique une inspiration à la fois symbolique et énergétique qui repose sur un apport d’énergie donc d’oxygène. Tout changement commence par une modification de notre respiration. L’air est indissociable de l’homme, de ses pensées et de ses émotions. La vie est un espace-temps entre deux parenthèses, celles du premier et du dernier souffle, car la vie commence par une inspiration et finit par une expiration.

Entre ces deux extrêmes, nous disposons d’un espace de liberté et de création, dont l’expression nécessite l’énergie vitale du souffle. A l’heure où les enseignements de la recherche scientifique sur la respiration profonde rejoignent les enseignements des poètes et des maîtres spirituels, c’est peu être le bon moment de reprendre le formidable pouvoir que nous avons sur notre respiration et notre vie.

Nous pouvons contrôler notre respiration

Selon une approche systémique de la PNL, nos pensées génèrent des émotions qui à leur tour modifient des comportements tels que le rythme respiratoire. Mais l’inverse est également vrai, car une modification volontaire de votre fréquence respiratoire impacte vos émotions et vos pensées. Si un état (pensées et émotions) de stress se manifeste par une accélération du rythme respiratoire, une respiration ample et lente impacte rapidement votre état interne inconfortable.

De nombreux facteurs peuvent influencer notre souffle et tout particulièrement les émotions. Le sentiment d’aisance est associé à une respiration ample et efficace. La surprise nous coupe le souffle. Le stress et la dépression sont associés à une respiration superficielle et peu efficace. Notre incapacité à respirer au-delà du simple besoin de survivre, c’est à dire de façon ample et profonde, affecte non seulement notre voix, mais aussi notre physiologie, notre bien-être physique et mental.

La respiration est la seule fonction qui soit aussi bien involontaire (contrôle végétatif) que volontaire (contrôle moteur). Ce que vous pouvez faire avec la respiration, vous ne pouvez pas le faire avec votre cœur ou vos intestins.

« Le souffle est extraordinairement puissant parce qu’il fait partie du système de réponse «automatique», mais il fait également partie du système de réponse «volontaire», nous pouvons donc délibérément et intentionnellement manipuler notre respiration pour produire différents états vitaux ». Deb Shapiro

En tant qu’animal doué de conscience, nous sommes les seuls êtres vivants à pouvoir agir sur la fréquence et l’amplitude de notre respiration, donc à pouvoir modifier nos états internes, diminuer le stress et accéder à des états de bien être. L’origine de cette capacité reste mystérieuse. Pour certains évolutionnistes, elle viendrait d’une adaptation ancestrale à un mode de vie semi-aquatique, dans laquelle les ressources alimentaires étaient recherchées sur terre comme sous l’eau. D’un point de vue de la physiologie, cette particularité humaine est rendue possible du fait d’un double système de contrôle de la respiration : le pilotage automatique et inconscient de la respiration est assuré par certaines aires du tronc cérébral, alors que le pilotage conscient du rythme et de l’ampleur de la respiration est assuré par des régions corticales du cerveau.

Dès que des maladies perturbent notre respiration, notre corps, notre cerveau et notre fonctionnement mental vont souffrir d’un manque d’oxygénation, donc d’un manque de ressources énergétiques. Sans oxygène, tout ce que nous mangeons ne peut être utilisé. Nous pouvons cependant récupérer un pouvoir sur notre physiologie par la pratique d’exercices respiratoires. Les approches traditionnelles telles que la méditation ou le yoga, ou plus modernes telles que la sophrologie ou l’hypnose ericksonienne, proposent des techniques pour réguler volontairement son souffle, et calmer des états internes négatifs.

Le Néerlandais Wim Hof enseigne comment nous pouvons développer une grande résistance au froid, à partir d’une bonne utilisation de la respiration, du mouvement et de la pensée, Avec une préparation d’environ 2 heures vous saurez vous immerger facilement pendant 2 minutes dans une eau glacée.

Des études du Massachusetts Institute of Technology (MIT), réalisées sur des moines bouddhistes et publiées en 2003, montraient que la méditation, c’est-à-dire l’action de calmer son corps et son esprit par la régulation de sa fréquence respiratoire, avait un profond effet antistress. Un état méditatif peut faire baisser la fréquence respiratoire moyenne de quinze à six par minute. L’imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM) montrait de plus que le cerveau émotionnel des moines en méditation ne réagissait pas aux stimuli extérieurs de type agressif, par exemple un bruit brutal et intense, et que leur activité cardiaque demeurait stable.

Apprendre à bien respirer est donc le moyen le plus naturel et le plus simple d’agir sur nos états internes et de calmer le corps comme l’esprit. La vie commence et se termine par un souffle. Les yogis disent que la respiration est au coeur de toute question humaine et que son contrôle permet de tout contrôler, de changer notre rapport à nous même et au monde.

Les bénéfices de la respiration profonde

1. La respiration consciente libère les tensions

Lorsque vous êtes tendu, en colère, effrayé ou stressé, les muscles de votre corps se raidissent, votre respiration devient superficielle et vous ne recevez plus la quantité d’oxygène dont votre corps a besoin. La réponse est d’adopter une respiration abdominale lente et profonde qui active le système parasympathique (relâchement musculaire, baisse de la tension artérielle, ralentissement des pulsations du cœur, amélioration de la digestion…) et qui bloque les effets anxiogènes du système sympathique (décharge d’adrénaline, accélération du rythme cardiaque, hausse de la tension musculaire). Les yogis savent faire cela depuis toujours, pour améliorer leur concentration, dynamiser leur vitalité et le sentiment d’harmonie. La science confirme que ces pratiques ancestrales ont des avantages bien réels. Observer son souffle au cours d’une méditation est un excellent moyen de relâcher les tensions.

« Il y a une façon de respirer qui est une honte et une asphyxie, et il y a une autre façon d’expirer, un souffle d’amour qui vous permet de s’ouvrir à l’infini ». Rumi

2. La respiration libère les toxines de votre corps

Votre corps est conçu pour inspirer de l’oxygène et libérer 70% de ses toxines par l’expiration. Une respiration superficielle est bien insuffisante pour vous débarrasser correctement des toxines accumulées dans votre organisme, en particulier le dioxyde de carbone, ce qui met votre corps sous tension, ce qui peut favoriser la survenue de maladies. Seule une respiration profonde peut éliminer le dioxyde de carbone et augmenter l’oxygène sanguin, et ainsi la qualité du sang et la respiration cellulaire. Le dioxyde de carbone est un résidu toxique naturel qui provient des processus métabolique de notre corps et qui doit nécessairement être expulsé.

« Profites de la vie, elle a une date d’expiration.» Pierre Sakhinis

3. La respiration abdominale masse vos organes

Lors d’une respiration abdominale, les mouvements amples et profonds de votre diaphragme massent votre cœur, votre foie, votre rate, vos poumons, et vos reins, en en améliorent la circulation et l’oxygénation. Le coeur et les poumons tiennent au diaphragme par sa surface supérieure, tandis que le foie, la rate, l’estomac et le pancréas sont fixés juste au-dessous, sur sa face inférieure. Le développement du mouvement diaphragmatique améliore la circulation dans ces organes, stimulant ainsi leur fonctionnement. Le mouvement du diaphragme facilite le retour sanguin depuis la partie basse du corps jusqu’à la zone cardiaque, et favorise le drainage lymphatique sous-diaphragmatique.

De plus la respiration abdominale tonifie les muscles abdominaux, renforce la système immunitaire, augmente la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine des globules rouges, améliore ainsi la circulation sanguine et le métabolisme de vos cellules. En oxygénant l’ensemble de vos organes, vous facilitez leur bon fonctionnement.

« Les livres présument que la pensée siège dans le cerveau, la vie prouve que l’homme pense avec ses autres viscères. » Maurice Chapelan, Main courante (édition 1957)

« Notre corps est notre jardin, et notre volonté en est le jardinier. » William Shakespeare ; Othello, I, 3 (1604)

4. La respiration clarifie la pensée et prépare à l’action

Si le cerveau représente environ 2% du poids total de l’organisme, il consomme à lui tout seul 20% de l’oxygène que nous inhalons. En cas de sous-oxygénation, nos activités cognitives sont vite affectées par une diminution des capacités de concentration, de mémorisation, d’abstraction, et une plus grande fatigabilité.

Du fait d’une sous-oxygénation de certaines zones cérébrales, les alpinistes de très hautes altitudes expérimentent ces désagréments, avec des troubles de l’humeur, des phénomènes d’anxiété et des anomalies du comportement. Même si nous ne gravissons pas l’Everest tous les jours, nous pouvons comprendre qu’une bonne oxygénation est vitale pour utiliser pleinement nos aptitudes cognitives.

Une respiration lente et profonde augmente l’oxygénation de votre cerveau, ce qui vous permet de penser et de vous exprimer plus clairement. Avant de faire quoi que ce soit qui nécessite de l’attention ou de l’énergie, pensez à respirer plus profondément que d’habitude, et notez comment le souffle est l’élément déclencheur de l’action. Si vous vous sentez stressé, prenez un bon bol d’air ; l’acte respiratoire conscient crée quelque chose de nouveau, une rupture de schéma physiologique, ce qui vous permet de sortir de cet espace réduit dans lequel vous étiez coincé.

“La pensée est plus qu’un droit, c’est le souffle même de l’homme.” Victor Hugo / Actes et paroles
“Penser, analyser, inventer ne sont pas des actes normaux, ils constituent la respiration normale de l’intelligence.” Jorge Luis Borges

5. La respiration favorise la créativité

Votre inspiration est votre principale source d’inspiration. La créativité nécessite une augmentation de l’oxygénation de votre cerveau, donc du mouvement. Ce n’est pas au fond de votre fauteuil que les idées nouvelles vont apparaître. Le déclencheur naturel de l’accélération et de l’amplification naturelle de la respiration est le mouvement et l’exercice.

Donc si vous êtes en quête d’idées nouvelles, rien ne vaut une bonne promenade d’une ou deux heures en respirant pleinement et en profitant de la nature. Dans l’effort, le corps et l’esprit sont totalement réconciliés. « Vous ne pouvez rien manquer. C’est comme si vous anticipiez plus tôt que d’habitude. Vous savez exactement où va la balle » dit Chris Evret, championne de tennis.

Darwin avait dans son jardin des chemins de créativité pour deux sortes de promenades : le petit tour pour résoudre les petits problèmes, et le grand tour pour trouver des solutions à de grands problèmes.

La créativité implique de lâcher prise, de faire des pauses et des intervalles dans le flot des pensées automatiques. Sans ces intervalles, sans ces espaces intérieurs, la pensée n’est qu’une banale répétition dénuée de toute étincelle créative. L’exercice accroît votre respiration et votre oxygénation, calme le bavardage mental et crée l’espace qui favorise l’émergence des idées nouvelles.

“Pour un artiste, la création n’est pas un travail, c’est respirer, c’est exister.” Gilbert Choquette / La Flamme et la forge

“Seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose” Nietzsche, Crépuscule des idoles.

6. La respiration impacte les émotions et soulage les douleurs

Le diaphragme est le muscle de la respiration, car il permet de remplir et vider les poumons. Une respiration lente et profonde permet une large amplitude du mouvement du diaphragme tandis qu’une respiration rapide et courte montre une amplitude limitée du diaphragme. Un diaphragme tendu ou bloqué, bloque aussi votre oxygénation, votre énergie et donc votre vie. Le diaphragme est un muscle extrêmement sensible au stress qui résulte de la peur, des chocs émotionnels et des traumatismes psychologiques. Le diaphragme se contracte aussi à chaque petit stress, se noue un peu plus après chaque blessure émotionnelle et finit par se bloquer complètement au fil du temps.

La respiration reflète notre état psychologique et émotionnel. Le diaphragme est parfois considéré comme le «grand muscle de l’émotion ». Devant la perception d’un danger, le souffle devient court ou coupé, car le diaphragme, comme tous les muscles du corps, se raidit, se durcit pendant que l’esprit se focalise sur la difficulté à affronter. Nous bloquons inconsciemment notre respiration quand nous sommes concentrés ou face à une situation forte en émotion. En bloquant notre respiration, nous gardons en nous les émotions qui y sont associées. Un diaphragme tendu et crispé a tendance à rester dans sa position basse et à comprimer les organes de l’abdomen jusqu’au bassin. Le blocage d’énergie physique au niveau du diaphragme se répercute sur notre esprit en créant un blocage psychique, des pensées négatives qui tournent en boucle, de l’anxiété, du stress et une tendance dépressive.

La respiration ample est utilisée comme technique pour libérer le mouvement du diaphragme et un flot d’émotions enfouies (rires, larmes, peurs…etc.)

La respiration profonde libère des endorphines, des antalgiques naturels, dans le courant sanguin. Les endorphines sont des neuro-modulateurs puissants, qui nous aident à faire face à la douleur et qui permettent d’affronter et d’éliminer la peur et l’anxiété. Une grande part du vécu douloureux vient des tensions et de la peur. La respiration modifie la relation à la douleur. Respirer profondément dans la douleur contribue à la soulager. Les femmes qui accouchent pourraient en témoigner. Pour favoriser l’apparition de la détente et du calme, inspirez lentement en ressentant la tranquillité entrer et se diffuser dans votre corps, puis expirez pour vous débarrasser des tensions et de l’anxiété.

“La vie n’est pas mesurée par les respirations que l’on prend mais par les moments qui vous coupent le souffle”. Anonyme

“Et les mots qui sortent de ma gorge, je ne les connais pas : des morts qu’on a planté là, des mots qui me font mal et qui m’étouffent ; alors je les crie, je les vomis pour pouvoir respirer, pour vivre …” De Barbara / Il était un piano noir…

“Calme ou haletante, profonde ou saccadée, notre respiration reflète notre état émotionnel. A l’interface du conscient et de l’inconscient, l’activité respiratoire est le meilleur moyen de se connecter à son corps”. Bénédicte Fieller

7. La respiration favorise le rapport aux autres et au monde

En observant le souffle d’une personne, vous aurez une idée de l’état interne dans lequel il se trouve puisque chaque émotion modifie sa respiration. Si vous souhaitez être sur la même « longueur d’onde » qu’une autre personne, commencez par prendre conscience de sa respiration, et synchronisez la vôtre sur la sienne pendant un moment. En synchronisant vos modes de respiration, vous synchronisez également vos processus cognitifs et vos ressentis. Cette profonde connexion vous permet de vous sentir bien plus proche de l’autre, de mieux comprendre ce qui se passe chez lui, mentalement et émotionnellement.

La respiration témoigne également de nos interactions avec notre environnement, de notre degré de connexion avec le monde qui nous entoure et qui a sa propre respiration. Tout respire dans la nature, le monde animal et végétal. L’air est un élément essentiel à toutes vies, car il permet aux êtres vivants de respirer et de mettre en mouvement ce qui nous entoure. L’air en mouvement permet de diffuser les odeurs et les sons. L’air est tout simplement ce qui nous relie avec les autres hommes, les animaux et la nature en général. Nous baignons tous dans la même atmosphère. Le vent communique avec l’entièreté du monde en nous envoyant son souffle nous murmurer à l’oreille. Vous sentez-vous respirer au rythme des besoins de votre corps ou au rythme d’un écosystème plus large auquel vous appartenez ? Respirez-vous ou est-ce la vie qui vous respire ?

“A chaque inspiration, nous ingérons des atomes dont certains d’entre eux furent inhalés par Lao Tseu, Bouddha, le Christ et tous ceux qui ont peuplé cette terre depuis les origines. A chaque expiration, nous rendons ces atomes à l’atmosphère, qui les renouvelle au bénéfice de la génération présente et de celles à venir”. Dennis Lewis, Le Tao de la respiration naturelle.

“En te levant le matin, rappelles-toi combien précieux est le privilège de vivre, de respirer, d’être heureux”. Marc-Aurèle

“Tant qu’on peut encore respirer, après la pluie, sous un pommier, on peut encore vivre !”. Alexandre Soljenitsyne

8. La respiration est votre source d’énergie et d’action

Chaque parole, chaque acte nécessite une énergie, donc de l’oxygène. La respiration apporte à l’organisme l’oxygène dont il a besoin pour nourrir chaque cellule. La dégradation du glucose ou des graisses de l’organisme en énergie cellulaire sous forme d’ATP (Adénosine triphosphate) est conditionnée par la présence d’oxygène, transporté par l’hémoglobine des cellules sanguines. Le simple geste de lever le bras planter un clou avec un marteau, implique une inspiration qui crée la puissance dont vous avez besoin pour frapper, sans que vous ayez à y penser.

La vie s’interrompt avec l’interruption de quelques minutes du flux respiratoire et d’oxygène. Si nous pouvons survivre plusieurs semaines sans manger et plusieurs jours sans boire, nous ne pouvons pas rester plus de quelques minutes sans respirer. Parmi les “nourritures” qui nous sont indispensables, l’air est la plus importante et la plus abondante. Nous absorbons quotidiennement près d’un kilo de nourritures solides, près de deux kilos de liquides (boissons et nourritures confondues), et près de huit kilos d’air.

Dès que le cerveau considère que le système respiratoire est défaillant, le sujet éprouve très vite une panique et une intense angoisse de mort. Sans la moindre possibilité de contrôler sa respiration, il sent sa vie menacée. Le sentiment d’asphyxie est certainement la pire souffrance psychologique possible, ce qu’ont bien compris les tortionnaires qui depuis des siècles utilisent des techniques de noyade simulée.

Dans de nombreuses traditions, l’air est avant tout de l’énergie. Les japonais parlent de Ki, les Chinois de Qi, les Hawaïens de Ti ou Ki, les indiens de prana. Avec un Ki fort, nous nous sentons confiants et prêts à profiter de la vie et à relever ses défis. Avec un Ki faible, nous nous sentons faibles et plus sensibles aux maladies. Les descriptions de l’énergie Ki / Chi / Qi sont presque toujours reliées à la respiration. Nous recevons le Ki de l’air que nous respirons, mais aussi de la nourriture, des rayons du soleil, et du sommeil. La pratique des exercices de respiration et de méditation permet d’accroître notre Ki.
“Le secret de la longévité, c’est de continuer à respirer”. Bruce Lansky / Prompt rétablissement

“Oublier de respirer reste la seule distraction fatale”. Pierre Perret

“Le sexe, c’est comme l’air qu’on respire : ça ne semble pas important jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus”. Anonyme

9. La respiration traduit votre intention et votre niveau d’authenticité

Avez-vous noté que votre respiration est différente quand vous parlez de quelque chose qui vous fait peur, ou de quelque chose qui vous procure du plaisir ?. Pour parler vous avez besoin de respirer. L’air expiré porte vos mots, leur donnent une sonorité particulière, et définit le sens que vous leur donnez. La musicalité de votre voix, c’est-à-dire ses caractéristiques sonores exprime votre intention. Ce ne sont pas les mots qui traduisent votre intention, mais la musicalité du souffle qui l’accompagne. Un charabia avec une juste musicalité saura exprimer votre intention bien mieux que la précision des mots. Une respiration ample et ouverte produit une musicalité chaude et dynamique. Une respiration plus rapide et fermée produit une musicalité forte et déterminée.

Un propos authentique, c’est à dire présentant une cohérence entre les représentations mentales, les mots prononcés et les gestes utilisés, génère une forme de résonnance qui touche celui qui s’exprime comme celui qui reçoit le message. Un propos peu authentique, manipulé ou très contrôlé modifie la respiration et les sonorités qui portent les mots, impose des pauses respiratoires pour permettre à l’esprit conscient de contrôler les propos. L’énergie intérieure de la personne ne se retrouve alors pas dans les sonorités produites, qui perdent leur musicalité pour devenir plus plates et plus ternes. Les mots qui ne sont plus portés par la musicalité du souffle donnent l’impression d’être des sonorités qui sortent bien plus de la tête que du cœur ou des tripes.

“Elle respirait l’honnêteté… Seulement elle avait la respiration très courte”. Eugène Labiche / Faut-il le dire

“Le regard, la voix, la respiration, la démarche sont identiques ; mais comme il n’a pas été donné à l’homme de pouvoir veiller à la fois sur ces quatre expressions simultanées de sa pensée, cherchez celle qui dit vrai, vous connaîtrez l’homme tout entier”. Honoré de Balzac / Théorie de la démarche

10. La respiration est la voie à l’immobilité physique et mentale

Un cycle respiratoire comprend trois phases : l’inspiration, la suspension du souffle, et l’expiration (ou l’inverse). Le corps bouge au rythme de ces trois phases respiratoires. La phase d’immobilité du corps correspond à celle de la suspension du souffle. La pause respiratoire n’est pas un blocage musculaire ou une rétention du souffle, mais une suspension spontanée et sans effort du souffle. L’immobilité du corps accompagne celle du souffle et du mental. La conscience des phases du souffle, de ses pauses et des sensations internes qui y sont associées favorise le développement du silence intérieur et de l’immobilité des pensées.

Yoga signifie union, union de toutes les parties de soi et union de soi avec l’univers. Les praticiens du Hatha Yoga disent chercher l’immobilité qui les transforment en “statue qui respire”. Dans une posture d’immobilité, la respiration s’immobilise dans les poumons pleins ou vides pour devenir énergétique, le mental synchronise les différents points d’attention (posture, visualisation de la respiration, gestes) pour les rassembler en une seule réalité. Un esprit silencieux qui ne se laisse plus distraire par des bavardages permet d’accéder à un état de pure présence et d’unité.

Jacques Mayol, le plongeur apnéiste français était un adepte du pranayama ou contrôle du souffle, une pratique qui lui permettait d’augmenter ses temps d’apnée.

“Quand tu retiens ton souffle, tu es en harmonie avec la nature, tu n’es rien et ta vie devient plus intense”. Jacques Mayol

“Le silence permet de trouver son destin”. (Lao Tseu)

11. la respiration est le lien subtil entre corps et esprit

Le mot respiration vient du verbe latin « spirare » qui signifie à la fois le vent, l’air ; et aussi l’esprit. Le mot « spiritus » d’origine latine veut dire souffle ou vent. La respiration n’ayant pas de forme, elle est associée depuis toujours à la vie sans forme, à la vie de l’esprit.

Selon la bible, Dieu a façonné l’être humain avec de la boue, puis lui a insufflé le souffle de vie dans la narine pour qu’il devienne un être vivant.

Prendre conscience d’une respiration qui n’a pas de forme est un formidable objet de méditation et constitue un moyen de créer de l’espace en soi, autour de soi et dans sa vie. La pratique de l’observation consciente de la respiration sous forme de méditation permet d’amener la conscience de l’espace dans le quotidien.

« Qui sait respirer l’air de mes écrits sait que c’est un air des hauteurs, un air vigoureux. Il faut être fait pour y vivre, sans quoi le danger n’est pas peu grand d’y prendre froid. La glace est proche, la solitude est énorme – mais comme toutes choses y baignent calmement dans la lumière ! Comme on respire librement !». Friedrich Nietzsche.

« Le souffle est le pont qui relie la vie à la conscience, qui unit votre corps à vos pensées. Chaque fois que votre esprit se trouve dispersé, utilisez votre souffle comme moyen de reprendre la main sur votre esprit ». Thich Nhat Hanh

« Celui qui apprend à respirer consciemment éclaire son intellect, réchauffe son coeur, attire le rayonnement et la lumière » Sogyal Rinpoché, Livre de la vie et de la mort ».

« Je respire, je respire si à fond que je me vois jouissant du paradis ». Jules Supervielle

« Inspirant, je calme mon corps, expirant, je souris, demeurant dans l’instant présent, je reconnais toute la merveille de cet instant »… Thich Nath Hanh

12. la respiration est la clé de toute transformation intérieure

La conscience de votre respiration vous déconnecte des conditionnements du mental et émotionnels liés au passé ou au futur, et vous ramène automatiquement dans le moment présent, un passage indispensable à toute transformation intérieure. Seul l’espace du vide que représente le présent permet de réinventer quelque chose de réellement neuf. En étant conscient de votre respiration, vous êtes uniquement dans le présent. Car vous ne pouvez à la fois être conscient de votre respiration et penser. La respiration consciente interrompt les pensées, tout en restant complétement éveillé et vigilant à ce qui se passe en vous et autour de vous. En prenant de la hauteur, en vous élevant au-dessus de vos pensées, vous élargissez votre niveau de conscience. La transformation personnelle ou croissance implique une transformation de notre niveau de conscience, ce qui permet alors une réorientation de la façon de se percevoir dans le monde.

« Les ressentis vont et viennent comme des nuages dans un ciel venteux. La respiration consciente est mon ancre ». Thich Nhat Hanh

« Marcher, c’est respirer le monde et adapter sa pensée à l’aune de la nature. Le pas est la mesure de l’homme ; le souffle donne de l’amplitude à la pensée ; le cerveau court avec les orteils ; l’entendement se fait rythme et l’effort structure l’espace. » Vincent Borel

« La respiration est un guide infaillible sur le chemin de la connaissance de soi. Elle est le miroir de notre état. Il en résulte que des exercices respiratoires constituent une aide précieuse nous permettant d’entamer un travail en profondeur sur notre moi. C’est la respiration qui nous offre la possibilité de contrôler notre moi profond et constater les progrès que nous faisons ». écrit Alice Schaarschuch

La respiration carrée

Les techniques respiratoires sont particulièrement nombreuses. Nous faisons le choix de vous présenter une technique simple, efficace, discrète d’utilisation, basée sur des preuves expérimentales et recommandée par l’INSEP. https://www.envsn.sports.gouv.fr/images/recherche-expertise/prepa_mentale/fiches_outils/06-la-respiration-carree.pdf

Le principe de la respiration

La respiration dite carrée s’exécute en 4 temps égaux : temps d’inspiration = temps de rétention (apnée poumons pleins) = temps d’expiration = temps de rétention (apnée poumons vides). Par le contrôle volontaire de la fréquence entre l’expiration et l’inspiration, du type de respiration (abdominale, costale, thoracique), nous pouvons apprendre à mobiliser les muscles entrant en jeu dans la respiration (le diaphragme, les intercostaux, etc.).
Un contrôle volontaire sur notre manière de respirer porte a) d’une part sur le fait qu’une augmentation du temps d’expiration (3 temps d’expiration minimum pour 1 temps d’inspiration) favorise la détente ; b) d’autre part qu’une augmentation de l’amplitude inspiratoire avec une expiration brève (3 temps sur l’inspiration pour 1 temps d’expiration) sera plus stimulante.
La respiration carrée permet, sur 4 à 10 cycles, de retrouver son calme en cas d’énervement, ainsi qu’un peu de tonus, d’énergie, et de se recentrer rapidement dans le présent, utile en cas de « prise de tête ».
La respiration carrée permet, sur 20 cycles et plus, une relaxation plus profonde, une détente discrète, une action anti-stress, une amélioration de la concentration en même temps que de la détente. Une pratique régulière favorise une prise de conscience et détente progressive du diaphragme. Utile en cas de « bouillonnement » intérieur par exemple.
Consignes de base de l’exercice :
1 – Redresser le haut du corps comme si vous pouviez vous grandir en étirant l’axe de la colonne vertébrale et ouvrir le thorax.
2 – Respirer par le nez tout en gardant la mâchoire inférieure relâchée.
3 – Utiliser une respiration abdominale : à Inspiration l’abdomen se gonfle dans un mouvement fluide, et à l’expiration l’abdomen se dégonfle avec la même fluidité.
4 – Commencer la respiration carrée : les quatre phases de respiration possèdent chacune la même durée :
– Inspiration (3/4/5/6/… secondes)
– Rétention poumons pleins (3/4/5/6/… secondes)
– Expiration (3/4/5/6/… secondes)
– Rétention poumons vides (3/4/5/6/… secondes)

respirer

Commentaires
Au fur et à mesure que vous gagnez en amplitude, vous pouvez augmenter le temps de chaque phase en passant de 3 temps, à 4, 5 et 6 temps, voire plus éventuellement. Une fois à l’aise avec l’exercice, vous pouvez écrire mentalement les chiffres, ou visualiser progressivement le carré qui se dessine, ou associer une couleur à chacune des quatre phases, ou à l’image des quatre saisons (printemps, été, autonome, hiver), etc.

Références
(1) Breathing control center neurons that promote arousal in mice ; Kevin Yackle1, Lindsay A. Schwarz et all ; Science 31 Mar 2017: Vol. 355, Issue 6332, pp. 1411-1415 ; DOI: 10.1126/science.aai7984 https://science.sciencemag.org/content/355/6332/1411
(2) Breathing above the brain stem: volitional control and attentional modulation in humans ; Jose L. Herrero ; Simon Khuvis et all ; J Neurophysiol 119: 145–159, 2018. First published September 27, 2017; doi:10.1152/jn.00551.2017.
https://www.physiology.org/doi/pdf/10.1152/jn.00551.2017
(3) Pourquoi respirer profondément aide à se calmer ; Lise Loumé 2017 Sciences et avenir. https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/pourquoi-respirer-profondement-aide-a-se-calmer_112083
Jean Luc Monsempès- Janvier 2020

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