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Jean-Luc Monsempès

Si on considère que la réalité est le produit de méta représentations stables et intersubjectivité, qu’en est-il de l’objet coaching ? Si on demandait à un groupe de coachs, de coachés ou de « prescripteurs » de coaching, les mots, idées, ou concepts associées à ce mot, pourrait-on trouver cette stabilité de représentations ou de sens ? Indépendamment de l’effet de mode, le coaching est un nouveau métier qui fait l’objet d’un champ infini de représentations. Si on ne peut donner une réalité au coaching, on reste alors dans l’illusion des interprétations erronées, on prend le risque de l’erreur et de l’incompréhension. Car n’oublions pas que le coaching n’est pas une conversation de salon. Le coaching est une démarche qui touche à l’homme, qui vise un changement humain et dont le potentiel d’erreurs est considérable. Exercer le métier de coach nécessite de maîtriser les diversités de sens attribués au coaching, de s’interroger sur ce métier à partir du point de vue de sa signification, d’accroître son niveau de conscience et de visibilité sur les enjeux d’une action de coaching. Ce texte, inspiré d’une présentation de Jean-Louis Fonvillard au DU de coaching de Paris II en 2003, vise à apporter quelques repères ou référents pour guider le processus de coaching.

Les axes d’orientation d’une boussole de signification

L’homme est par définition un être orienté en quête de sens, et tous ses espaces de vie sont orientés vers les éléments stables de son expérience personnelle. Deux axes permettent d’expérimenter ces différents espaces d’orientation.

L’axe vertical du haut / bas ou de l’individualisation

Les conceptions de l’homme peuvent être reliées à deux symboliques verticales :

La symbolique du haut, avec une logique d’élévation. L’Homme est perçu à travers sa singularité avec des potentialités de croissance, de construction, d’autonomie à se gouverner lui-même, à s’assumer tel qu’il est, et de progression vers une finalité spécifique. Cette symbolique débouche sur une vision de l’homme comme un potentiel en train de se réaliser, au service d’un projet communautaire. On se réfère à une élévation dans les besoins psychologiques de A. Maslow ou dans les niveaux logiques de la pensée de R. Dilts

La symbolique du bas, avec une logique de réduction. L’homme est perçu à travers ses similarités (actions et comportements), dont les moyens sont susceptibles d’appropriation, d’instrumentalisation, et d’exploitation. Cette symbolique débouche sur une vision Taylorienne de l’homme soumis à un déterminisme ou un asservissement (de l’économie, de la production taylorienne, des règles  sociales…etc)

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L’axe horizontal du dedans / dehors ou de l’adaptation

Les conceptions de l’homme peuvent également reliées à deux symboliques horizontales :

La conception de l’Homme comme un être en soi personnifié. L’individu est acteur d’un processus d’individualisation. Les capacités et comportements individuels sont acceptées tel que, indépendamment des exigences sociales, éthiques, morales, légales du système dans lequel ils se situent.
La conception de l’Homme comme un être ou un acteur d’un système idéologique (social, économique, professionnel) qui définit les règles d’un ordre établi. L’individu est déterminé par un ensemble de relations. Les capacités et comportements peuvent être améliorées pour mieux s’adapter aux exigences d’un système.

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Les forces de régulation sociale

Sur ces deux axes, une force de régulation sociale peut s’exercer. L’individualisation, c’est-à-dire la manière dont le sujet va être amené à se considérer lui même, comme la normalisation des comportements sont toutes deux des pratiques de conformisation sociale.

La boussole de signification

De ces deux axes, il est possible de dessiner une « boussole » de signification, regroupant les différentes représentations d’une pratique de coaching et permettant de répondre aux questions de ses enjeux. Qui est important dans le coaching ? le sujet ou le système ? Quelles finalités au coaching ? Elever la personne ou se l’approprier ?

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Elever la personne par et pour le système

Le référent est celui d’un « rationalisme » opérant et de progrès . L’important est de faire bénéficier le sujet des derniers progrès apportés par le système pour qu’il puisse contribuer à le développer et l’enrichir. C’est la vision d’un élitisme scolaire, universitaire, social, économique… etc. L’individu construit sa place en contribuant au développement du système, en construisant des organisations, des entreprises, des start up…

Lecoach est perçu comme un “Expert-Savant” , il est l’aboutissement du progrès scientifique car il est le média des dernières avancées des sciences sociales, cognitives, psychologiques, les neurosciences. Le coach est celui qui apporte la connaissance d’un système pour permettre de savoir comment s’y intégrer au mieux. Il  développe  le moral et la performance du sujet au bénéfice du système qui l’emploie.
Le coach est souvent choisi pour ses titres impressionnants (MBA, HEC, école de commerce ou d’ingénieur,…), sa culture de l’entreprise et sa connaissance des outils spécifiques du changement, ou de la méthodologie du coaching. Sa crédibilité vient d’un bagage professionnel en phase avec les hautes exigences du système.
Le risque est celui du jeu de la comédie du faux semblant entre personnes de bonne compagnie qui se gratifient, du fait d’une trop grande conformisation sociale, d’une trop grande uniformisation des modes de pensée.

Réduire la personne en dehors du système

Le référent est celui de « l’animalisme ». L’important concerne les moyens d’actions personnels du sujet, sans référence à une utilité pour le système et en dehors de ses principes moraux ou éthiques. C’est une vision de la sélection naturelle, de la survie du plus fort, pour dominer les autres. C’est une idéologie de la performance sur des critères personnels et sans tenir compte d’une écologie du système, que l’on retrouve dans le coaching sportif des athlètes de l’ex URSS.

Le coach est perçu comme un “Magicien“. C’est le seul à disposer des pouvoirs pour donner des forces à son client, de développer sa performance pour dominer les autres, conquérir un marché. Avec cette vision, seuls les coachs les plus forts vont survivre. Le coach, comme son client peut être instrumentalisable. Par ignorance, incompétence, négligence, ou cynisme, le coach va commercialiser au mieux ses prestations, manipuler ses clients, accepter tout des directives de l’entreprise en transgressant des principes déontologiques… Que penser des coachs qui développent des relations amicales avec leurs clients pendant le processus de coaching ?
Le risque pour le coaché est celui de la dépendance et d’une démarche subversive d’appropriation et de manipulation qui lui fait croire qu’il est possible de s’isoler d’un système pour le dominer. Par ses interprétations le coach peut transférer ses propres problématiques à son client. Ce jeu narcissique et pervers peut affecter gravement l’identité du sujet coaché.
Le coach a aussi la tentation d’exercer un métier par compensation, pour prendre une revanche sur la position sociale de son client à laquelle il n’a pu accéder. Le coach va chercher à s’intégrer dans la cour des grands, et dans des entreprises dont il connaît les enjeux et les règles, en se positionnant par le pouvoir, en utilisant parfois le nom de ses clients pour devenir une star des médias.

Réduire la personne pour l’adapter au système

Le référent est celui du “naturalisme“. L’important est l’adaptation ou l’intégration du sujet comme acteur d’un système. C’est la loi des équilibres et de la régulation qui est en jeu. On cherche à maintenir une homéostasie sociale ou individuelle à l’intérieur d’un système. L’entreprise fait coacher ses collaborateurs car le coaching est conçu comme le remède « tendance », par exemple pour aider ses cadres opérationnels à mieux travailler sous pression.

Le coach est alors perçu par le système comme un Guérisseur-Réparateur capable de soutenir les faiblesses de l’individu, l’aider à passer un cap difficile, lui permettre de s’adapter à un environnement ou une situation qui ne le satisfait peut être pas. Le coach est parfois celui qui apporte des solutions pour maintenir un pouvoir en place, ou conserver un équilibre dans la répartition des pouvoirs.

Le coaching devient également le dernier recours pour traiter les difficultés psychologiques de salariés jugés compétents mais hostiles au cadre d’un management traditionnel.
On peut devenir coach par opportunisme, car le marché du coaching est porteur, car il y a plus d’argent à gagner que dans un métier de formateur, de recruteur, d’outplacer, de consultant, ou de psychothérapeute, ou parce que le cadre au chômage y voit un métier facile à exercer, surtout si on y met les moyens, en activant un réseau et en adhérant à une association de coachs.
Pour le sujet coaché, le risque est celui d’une négation de son individualité, d’une appropriation et une exploitation par le système.

Elever la personne en dehors du système

Le référent est celui d’un “humanisme” symbolique. L’important est la connaissance de soi et la conscience de soi, pour développer le potentiel de croissance d’un être singulier, développer son autonomie indépendamment du système. C’est la culture du “je” et de la transgression d’un ordre établi à l’intérieur du sujet.
Le coaching s’apparente alors à un développement personnel dans une démarche simultanée de confrontation et de respect. Le coaching sous-tend en même temps une confrontation du sujet pour faciliter une prise de conscience sur un aspect « aveugle » de son expérience et un respect, une acceptation inconditionnelle de ce que l’autre m’enseigne de son mystère.

Le coach est perçu comme un Catalyseur qui favorise l’éclosion d’une personnalité et des valeurs intrinsèques du sujet qui se confie à lui. Le coach donne l’autorisation à l’autre de s’autoriser à être lui même, tout en restant neutre par rapport au système car c’est au sujet coaché de décider ce qu’il veut en faire. L’âme du coaching est de faire grandir et c’est en faisant grandir les autres que le coach grandit lui même. « On ne naît pas homme, on le devient ». Cette phrase de M. Honfray qualifie bien l’activité du coach dans sa relation au sujet coaché, et dans cette perspective « humaniste » du processus de coaching.
Si la connaissance et la conscience de soi est en jeu dans un coaching, le risque est de perdre contact avec la finalité de la démarche : mieux se connaître pour quoi faire et au bénéfice de quoi ?

Les conflits de signification lors d’une action de coaching

« Le meilleur moyen de prévenir les abus est d’autoriser les gens à faire ce qui a un sens pour eux ». Gregory Stock

A l’origine d’une demande de coaching, on retrouve fréquemment un sujet qui ne sait pas comment faire pour résoudre un problème ou réaliser un défi inhabituel. La difficulté à mettre en œuvre une compétence pour atteindre un but est bien souvent la manifestation concrète d’un conflit de signification. Il est de la responsabilité du coach de savoir se positionner dans l’ordre de cette signification et non de la manifestation concrète.
Les compétences appartiennent à deux catégories distinctes : techniques (l’action) avec le Pouvoir Faire et le Savoir Faire ou éthiques (l’inspiration) avec le Devoir Faire et le Vouloir Faire. Le Devoir exprime une référence à un ordre éthique externe, celui d’un système, d’une institution, une entreprise. Alors que le Vouloir exprime une référence à un ordre éthique interne, celui des valeurs du sujet.
Le plus souvent la problématique se trouve au niveau des compétences éthiques. Le Devoir est comme une dette à une valeur supérieure et externe qui peut rentrer en conflit avec les valeurs du sujet. On peut ainsi imaginer un salarié déchiré entre son refus d’utiliser des outils commerciaux manipulatoires (le vouloir) et sa fidélité à la hiérarchie de son entreprise (le devoir).

Le principal défi du coach n’est-il pas d’accompagner son client dans la résolution de ces conflits de valeurs, ou d’interférences entre le sujet et le système, de concilier l’inconciliable ?

Par son niveau d’exigence, le métier de coach est certainement une vocation. Car le coach a pour vocation de révéler la vocation ou la mission de ses clients, c’est-à-dire ce qui appelle chaque être humain à donner le meilleur de lui même. La vocation est soutenue par un talent à révéler, et dont on présuppose l’existence, de la même manière qu’on révèle le contenu d’une image photographique dans la chambre noire. Ce talent est ce qui qualifie le mieux la personne dans sa vie, et ce qui est le plus « aligné » avec sa mission, seul gage de la pérennité du talent. Ce talent est sous-tendu par une problématique non reconnue et non résolue car « je suis bon là ou j’ai été malheureux ». Le talent une fois révélé, se pose la question de son utilité ou du profit pour le système ou un sous système professionnel, ce qui fonde et légitime une économie avec la notion d’échange et d’argent.
Le coach est alors comme un artiste qui révèle le talent d’un autre artiste potentiel, pour lui permettre d’engager des actes responsables, d’être l’auteur de son travail, de faire de son travail une oeuvre. Le coaching devient ainsi un développement personnel dont les effets en terme de performance sont mesurables dans un système professionnel.

Conclusions

Le travail du coach est d’éclaircir la situation problématique dans laquelle se trouve son client, afin que ce dernier puisse faire ses propres choix et qui ne sont pas forcément ceux du système ou de l’institution. La question du sens et de la conscience du sens est donc un préalable indispensable au métier de coach avant de décider d’accepter ou non une intervention. Quel est le sens donné par l’institution, le coach, le coaché, à l’action de coaching : une obéissance du coaché ?  un formatage ?  un gain de performance et d’efficacité ? un développement personnel ? ou une combinaison de ces éléments ?

La réponse dépend bien sur du sens et de la pertinence de l’outil de clarification du sens. Le prérequis à l’action de coaching est dans la vérification de l’existence d’un consensus entre ses différents acteurs, à propos du sens attribué cette action. C’est un point à débattre pour enrichir la déontologie du coach, et c’est ce qui donnera une plus grande visibilité, reconnaissance et réalité consensuelle au métier de coach.

Sources : Jean-Louis Fonvillard, Les enjeux symboliques du coaching – DU de Coaching – Université Paris II – Octobre 2003; Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire -Paris – Dunod 1992; Roger Nifle, Au cœur du sujet – Théorie de l’instance et de la Cohérence ; Valérie Brunel : Les managers de l’âme  – Paris- Ed. La Découverte 2004

* Jean-Luc MONSEMPES est Docteur en médecine. Il a exercé en France et sur quatre continents, avant de diriger une activité d’exportation dans l’Industrie pharmaceutique. Enseignant en PNL, PCM et LAB Profile©, il et formé à de nombreuses disciplines en sciences humaines (DU de Coaching Université Paris II). Formateur, consultant, coach

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