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Rappel et réflexions sur la notion d’alliance dans un cadre d’accompagnement, par Dominique Laugero

Dominique-LaugeroUne relation de confiance est le préalable indispensable à toute interaction réussie. Cette forme de relation permet au client de percevoir son interlocuteur comme un authentique allié au service de l’atteinte de ses objectifs. Bien évidemment la validation de l’existence de cette alliance est basée sur la perception du client. Plusieurs éléments peuvent contribuer à la création de cette alliance: a) Reconnaître et respecter le modèle du monde du client; b) Privilégier l’empathie plûtot que l’instrumentalisation; c) Veiller à la protection et offrir un réel soutien.

Pour respecter le modèle du client, il est indispensable pour celui qui l’accompagne d’avoir conscience de  son propre modèle du monde. La méconnaissance de son propre modèle du monde (l’ensemble de nos convictions,de nos opinions, de nos valeurs, et de nos croyances) conduit inévitablement à produire des jugements à l’emporte-pièce à propos d’autrui.
Si les faits sont indiscutables, les opinions à propos des faits sont strictement personnelles et aussi vraies les unes que les autres. Dire d’une pièce qu’elle fait 20m2 est un fait, considérer qu’elle est spacieuse ou exiguë relève du modèle du monde de chacun. De même considérer que le métier de conducteur d’autobus est varié ou monotone n’engage que la personne qui le dit et ne saurait en aucun cas être un objet de polémique. Nous allons analyser dans ce chapitre, les éléments qui permettent de favoriser cette alliance entre le conseiller et son client.

Prendre conscience de son propre modèle

Parmi les marqueurs de notre « modèle du monde », nous pouvons retenir trois éléments : le langage corporel, la conscience que nous avons de nos émotions, et nos systèmes de valeur.

Être conscient de son propre langage corporel.

Les éléments observables par un interlocuteur de notre langage corporel sont : la posture, le tempo ainsi que les mimiques.
Cette prise de conscience est essentielle car elle permet ensuite de pouvoir s’adapter à son interlocuteur.
La posture correspond notamment à l’axe du corps par rapport à la verticale ainsi qu’aux tensions et relâchements musculaires.
Le tempo correspond essentiellement au débit de la parole et au rythme des gestes.
Les mimiques correspondent aux expressions faciales (froncement des sourcils, pincement des lèvres, sourire etc.).
Par exemple un médecin a été très surpris lorsqu’une de ses patientes lui a demandé : « Docteur pourquoi êtes-vous contre moi ?” alors qu’il était simplement attentif à ce qu’elle lui disait. Il a alors découvert que dans ses moments de grande attention, il fronçait fortement les sourcils, ce qui pouvait être interprété comme de la sévérité ou du ressentiment.

La conscience de ses émotions.

Tout le monde ne ressent pas les mêmes émotions dans des situations identiques. Le rythme auquel nous vivons, le mode d’éducation des sociétés occidentales très centré sur le cognitif conduit bon nombre d’entre nous à privilégier le mental et à se couper au moins en partie de nos émotions. Or, nos émotions sont indispensables aussi bien pour prendre des décisions que pour savoir à tout moment si la situation que l’on vit est « bonne » ou « mauvaise ». En situation interactionnelle, l’absence de conscience des émotions rendra impossible l’empathie nécessaire à l’alliance avec l’interlocuteur.  (Voir Golleman Daniel L’intelligence émotionnelle Robert Laffont.)

Avoir conscience de ses sensations physiques (ce qui n’empêche pas d’être attentif à l’autre) facilite la conscience des émotions. L’accélération de la respiration peut chez certaines personnes être le premier signe d’un sentiment d’irritation ; pour d’autres un blocage de la respiration est un signe d’inquiétude. De plus, lors d’un entretien, vérifier périodiquement son confort corporel et ajuster sa posture permet de garder un bon niveau de vigilance et un contact avec son ressenti.

La conscience de son système de valeurs.

Il est arrivé à chacun d’entre nous au moins une fois de penser de quelqu’un qui dit “qu’il est malheureux” : et pourtant il/elle a tout pour être heureux ! Dans ce cas, j’applique mon propre système de valeurs à la situation vécue par l’autre et ce que je devrais plutôt dire est « moi à sa place, je serais heureuse ». Pour développer cette connaissance un moyen simple consiste à identifier ce qui est important pour soi dans différents types de situations, par exemple quand on réalise un travail intéressant, quand on s’ennuie dans une réunion, quand on passe un bon moment avec des amis, quand on se reproche d’avoir fait une erreur.

Reconnaître et accepter la vision du monde du client

Les éléments qui peuvent contribuer à montrer à mon client que je reconnais et accepte sa vision du monde.

Instrumentalisation versus empathie

Il est possible d’instrumentaliser l’autre. C’est ce qui se passe lorsque je souhaite obtenir quelque chose de l’autre, je ne considère plus mon interlocuteur comme une personne à part entière mais comme un moyen pour atteindre une fin, comme par exemple dans :

  • le chantage affectif : Si tu me quittes, j’en mourrai. Dans ce cas, je considère l’autre comme l’instrument de ma mort.
  • la relation d’autorité avec coercition : Si vous n’augmentez pas votre chiffre, ne vous plaignez pas si vous êtes licencié. L’autre est alors perçu comme une machine à produire dont on pourrait régler à volonté le potentiomètre et dont on se débarrasse si elle ne fonctionne plus de façon satisfaisante.
  • les demandes cachées : Ne crois-tu pas que l’appartement aurait besoin d’un coup d’aspirateur ? je souhaite transformer l’autre en un genre de robot nettoyeur.

Et plus largement toutes les attentes que je peux avoir à l’égard d’autrui. Il y a des degrés dans l’instrumentalisation liés à la conscience que l’on a du processus, plus j’aurais conscience d’instrumentaliser l’autre, plus j’aurais des chances de faire machine arrière et de remettre en place la séparation nécessaire des modèles du monde. Quand j’instrumentalise l’autre, je m’instrumentalise aussi.

Pour contribuer à construire cette alliance dont il est question depuis le début de cet article, il est nécessaire d’avoir conscience des moments où nous tentons d’instrumentaliser l’autre (si, si, nous le faisons tous à un moment ou un autre). Dans le contexte de l’accompagnement quand avec la meilleure volonté du monde nous nous substituons à notre interlocuteur en lui donnant des conseils ou en fixant des objectifs à sa place nous l’instrumentalisons.

Le processus que nous pourrions opposer à l’instrumentalisation est celui de l’empathie.

Le psychologue et biologiste Frans de Waal dans son ouvrage L’Age de l’empathie, leçons de nature pour une société solidaire 2009 remet en perspective le vieil adage : l’homme est un loup pour l’homme de Plaute reprit par Hobbes en 1651.
Pour Hobbes l’état de nature, c’est l’état de la « guerre de tous contre tous ». Cet état de nature est une construction philosophique et représente ce que serait l’homme, abstraction faite de tout pouvoir politique, et par conséquent de toute loi. Ce concept occupe une place importante dans la Révolution française ou la Constitution américaine.

Frans de Waal, à propos de cet « état de nature » questionne trois mythes des origines.

Premier mythe : nos ancêtres gouvernaient la Savane. Le mode de vie des  bushmen d’Afrique australe, qui n’ont pas développé de technologie et vivent depuis des milliers d’années de la même manière, peut nous donner des indications sur la vie des origines. Ils savent qu’ils ne sont pas au sommet de la chaîne alimentaire et quand par exemple lorsqu’un un bushman se fait attaquer par un lion, la tribu déménage immédiatement. On peut faire l’hypothèse que nos ancêtres pour leur survie dépendaient de leur capacité à se regrouper pour leur sécurité.

Deuxième mythe sur les origines. L’illusion que l’être humain peut vivre de manière autonome et indifférent aux autres. Dans cette optique, la création de sociétés serait un choix un choix délibéré de renoncer à sa liberté en échange d’une vie communautaire. C’est l’idée du Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau. Pour Franz de Waal, le cycle de la vie humaine est une alternance entre ces moments où nous avons besoin de la protection des autres (jeunes, vieux ou malades) et des moments où nous offrons notre protection (quand nous prenons soin des jeunes, vieux ou malades).

Le dernier mythe analysé par Franz de Waal est celui de l’omniprésence de guerres dans les sociétés humaines. Voici son hypothèse : « En raison de l’interdépendance entre groupes disposant de maigres ressources, nos ancêtres ne menèrent probablement jamais de grandes guerres, jusqu’à la période où ils se sédentarisèrent et commencèrent à accumuler des richesses en pratiquant l’agriculture. Les attaques contre d’autres groupes devinrent alors plus profitables. Plutôt que de résulter d’une pulsion agressive, la guerre semble être davantage une question de pouvoir et de profit. » Pour Franz de Waal, l’empathie est  “naturellement” présente chez les humains ainsi que chez certaines espèces animales.

En conclusion la coopération et l’empathie ne sont pas si exceptionnelles et ont été et seront probablement des facteurs importants de survie et d’évolution. L’indifférence, les comportements égoïstes ou l’esprit de compétition, présentés comme des évidences conformes aux théories de l’évolution sont davantage une interprétation servant à justifier certaines idéologies qu’une réalité biologique et psychologique.
Le terme d’empathie a été créé au XX° siècle sur le modèle de « sympathie » des racines grecques « em «  qui veut dire dedans et  « pathos » ce que l’on éprouve, ce terme issu au départ de la philosophie et de la psychologie désigne la capacité de s’identifier à autrui, de ressentir ce qu’il ressent dans Le Robert Dictionnaire historique de la langue Française sous la direction d’Alain Rey.
Le fonctionnement des neurones miroirs joue un rôle important dans l’empathie.
L’identification de neurones miroirs au cours des années 1990 est due à l’équipe de Giacomo Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme. Des chercheurs étudiaient le fonctionnement des neurones moteurs chez les macaques avec un geste très simple, la prise d’une cacahuète. Au moment où le singe attrapait la cacahuète les neurones moteurs situés dans le cortex pré-central s’activaient et l’influx nerveux déclenchait un signal sonore. Un jour, un chercheur ramassa une cacahuète sous le regard du macaque, et le signal sonore se déclencha.
Depuis avril 2010, l’existence de systèmes de neurones miroirs chez l’être humain a été mise en évidence grâce à l’utilisation de l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Il est possible de montrer que dans certaines régions du cortex cérébral (notamment autour de l’aire de Broca, homologue à l’aire F5 du singe, et au niveau du cortex pariétal inférieur), l’activation est provoquée soit par la personne qui fait un geste soit par la personne regardant quelqu’un faire un geste similaire.

Rôle fonctionnel des systèmes de neurones miroirs

« Leur propriété est de constituer un mécanisme qui projette une description de l’action, élaborée dans les aires visuelles complexes, vers les zones motrices » (Giacomo Rizzolati)

1 Compréhension de l’action
Il est nécessaire d’activer son propre système moteur pour comprendre ce que fait quelqu’un. La seule activation des aires visuelles ne suffit pas pour comprendre, elle ne donne des informations que sur les aspects visibles du mouvement sans en comprendre le sens.

2 L’imitation sous ses deux aspects
Répétition immédiate  des actions de l’autre. Apprentissage par imitation qui implique le système miroir ainsi que l’intervention du lobe préfrontal.

3 L’empathie
Les fonctions des systèmes miroirs dépendent des propriétés du circuit auquel ils appartiennent. Dans une étude récente des sujets étaient exposés à des substances odorantes suscitant le dégoût puis à des vidéos montrant des visages exprimant le dégoût, dans les deux cas les mêmes structures (insula antérieure et cortex cingulaire antérieur) sont activées. Ressentir les émotions de l’autre, capacité nécessaire à l’empathie, peut devenir un problème, lorsque  nous perdons conscience des nôtres.

Différencier les murs, les frontières et la fusion

La prise en compte de l’émotion ou de l’humeur de l’interlocuteur (empathie) est un élément fondamental dans la construction de l’alliance.
Trois modes de relation peuvent se rencontrer dans un contexte d’accompagnement.

Dans le mode de relation « mur », ou bien je n’ai pas conscience des émotions de l’autre ou bien elles me paraissent inadaptées par rapport à son problème (« il n’y a pas de quoi être triste !’). Je perçois l’autre comme un système dysfonctionnel qu’il faut analyser ou réparer. Je perçois essentiellement les différences entre l’autre et moi et je pense que ma vision du monde est la bonne (« vous devriez faire telle ou telle chose pour aller mieux ! »)

Dans le mode « fusion », je perçois l’autre comme un autre moi-même et je suis convaincu que nous ressentons la même chose. C’est un mécanisme de projection d’émotions personnelles actuelles ou passées sur l’autre. L’autre devient le moyen de m’aider moi-même. Je ressens la souffrance (éventuelle) d’un interlocuteur qui pleure comme insurmontable et je vais tout mettre en œuvre pour « nous » sortir de cette souffrance. C’est seulement en voyant l’autre « aller mieux » que je pourrais me sentir mieux. Je perçois essentiellement les ressemblances entre l’autre et moi.

Dans le mode « frontière », je perçois simultanément les ressemblances et les différences entre mon interlocuteur et moi. Je peux avoir conscience de ses émotions sans m’y associer complètement. C’est un peu comme si une partie de ma conscience ressentait l’émotion pendant que le reste continue à s’occuper de l’objectif de l’interaction. C’est ce qui permettra d’avoir une plus grande congruence quand je dirai à l’interlocuteur : « je comprends que tel ou tel événement a été douloureux pour vous. Le mode  frontière est indispensable pour séparer les modèles du monde et fonctionner dans le cadre d’une alliance empathique.

Comment faire lorsque j’ai l’impression d’être souvent submergé par les émotions de mon interlocuteur ou lorsque que l’on me reproche d’être trop distant ou trop « froid ». Une des stratégies possibles est de créer mentalement un « contenant », un espace métaphorique (une bulle, un réservoir, un lac…) que j’imagine autour de moi et qui me permet de prendre conscience de l’émotion sans me sentir submergé. De la même manière que l’on peut avoir peur ou avoir le trac sans que cela nous empêche d’agir.

L’écoute : présence et reformulation

Nous possédons tous un « détecteur d’attention » qui nous permet de savoir quel est le niveau d’attention de notre interlocuteur. Pour cela nous nous servons, la plupart du temps de manière inconsciente, des micro-comportements de notre interlocuteur.
En effet la modification de notre niveau d’attention s’accompagne d’indicateurs comme par exemple la focalisation plus ou moins importante de notre regard.
Il est communément admis que notre mémoire de travail ou mémoire à court terme a une capacité limitée. G. Miller en 1956 publie un ouvrage intitulé « 7 le nombre magique » la conclusion qu’il tire de ses expériences sur la mémoire immédiate, est qu’elle est limitée à 7± 2 unités d’information. Les derniers travaux sur le sujet semblent indiquer qu’elle est moindre.   Quelle est la taille d’une unité d’information ? La réponse est : variable ! En effet tout dépend de notre capacité à regrouper les informations. Par exemple si nous discutons d’un sujet qui nous est familier, notre capacité à regrouper sera bien plus importante que si c’est un sujet nouveau pour nous. Prenons un exemple avec des chiffres. Si vous regardez pendant dix secondes cette succession de chiffres pour les mémoriser dans l’ordre :

1 4 9 1 6 2 5  3 6 4 9 6 4 8 1

Il est probable que votre performance dépendra des regroupements que vous aurez fait. Si vous avez tenté de mémoriser les chiffres un par un il est très difficile de dépasser 8 ou 9 sur 15. Si vous les avez regroupé par 3 votre score a des chances d’être plus élévé. Si vous vous êtes rendu compte que ces chiffres sont la suite des carrés de 1 à 9 vous avez surement été capable de tous les mémoriser en les regroupant en une ou deux unités d’informations.
Notre champ de conscience étant limité notre attention passe régulièrement de l’extérieur (les éléments de l’environnement) à l’intérieur : ce que nous imaginons, ce que nous nous disons, ce que nous ressentons. Ces accés à notre monde intérieur s’accompagne de défocalisation et de mouvements oculaires, c’est ce qui nous permet d’analyser le degré d’attention de notre interlocuteur.
Notre vigilance peut être située n’importe où sur cette échelle

Environnement – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – monde intérieur.

Lorsque nous sommes captivés nous sommes du côté environnement, lorsque nous sommes « perdus dans nos pensées », nous sommes du côté monde intérieur.

Garder son champ de conscience focalisé au maximum sur l’environnement lorsque l’on est dans une position d’écoute est fortement recommandé. Nous disposons d’indicateurs internes qui nous permettent de prendre conscience que notre attention est plutôt tournée vers notre monde intérieur.  

  • Lorsque  le visage de votre interlocuteur et net et que le reste de l’environnement est flou, c’est le signe que vous passez en « vision tunnel » et que votre niveau d’attention baisse
  • Quand nous prenons conscience que nous nous parlons
  • Quand nous prenons conscience d’un mouvement rythmique (battement de pied, mouvements de doigts)

Une stratégie possible pour rediriger son attention vers l’extérieur, consiste à reprendre une vision panoramique.
Nous l’avons vu précedemment, il est utile d’avoir conscience de nos sensations et de nos émotions.
C’est pourquoi nous parlons de « présence » qui combine à la fois la conscience de ce qui passe à l’extérieur et en même temps la conscience de son corps (appui des pieds sur le sol, contact du dos sur la chaise etc). C’est cette attention particulière qui est développée dans des diciplines comme le Tai Chi ou le Chi gong.
Notre conseil : vérifier au début de l’entretien que votre vision est panoramique et que vous avez conscience de vos sensations.

Bien sûr ces éléments techniques n’ont de sens que si l’on est dans une attitude bienveillante qui favorise la protection.

La reformulation a plusieurs fonctions.
Elle permet au coach d’être sûr qu’il a bien compris ce que veut dire son client en vérifiant qu’il n’a pas plaqué sa vision du monde sur celle de son client.
Elle permet de mémoriser les éléments importants dans ce que me dit mon interlocuteur, comme par exemple ses valeurs (respect, confiance, partage, connaissance, évolution etc). Il est très important de reprendre les mots exacts du client lorsqu’il s’agit de valeurs.
Lorsque le client parle de « sécurité », ce terme à un sens bien précis dans son dictionnaire personnel. Si le conseiller utilise à la place le terme de « protection » il impose son propre dictionnaire. Même si, sur le moment ces interprétations peuvent sembler mineures, leur effet cumulé conduit à la diminution, voire à la destruction de l’alliance.

En facilitant la mémorisation, la reformulation diminue la nécessité de prise de notes. Elle servira aussi à introduire en douceur le questionnement, sans donner l’impression « d’inquisition » (qui fait considérablement diminuer l’alliance).

Le langage corporel

Pour Franz de Waal, nous sommes des animaux grégaires, nous avons tendance à nous regrouper et à communiquer davantage lorsqu’il se produit un événement inhabituel. Les gens qui prennent le train se parlent plus pendant les longues grèves. Il nous est difficile de ne pas applaudir quand 1000 personnes autour de nous le font.
Comme d’autres espèces animales nous possédons un langage corporel.
Un des éléments de ce langage concerne la similarité.
Si nous avons une posture semblable, nous partageons le même statut, nous sommes sur un pied d’égalité.
La congruence posturale ou posture en écho est l’un des éléments qui a été étudié depuis les années 60, elle fait partie de recherches plus générales sur les similitudes dans le comportement comme par exemple la synchronisation des mouvements. Citons une première étude en 1956 du psychologue américain Joseph Charny. Il a filmé une séance de thérapie d’une cinquantaine de minutes avec le consentement du client et du thérapeute.
Au fur et à mesure que la séance progresse, les moments de congruence posturale sont plus nombreux. Si l’on analyse le contenu de ce qui se dit pendant les moments de congruence posturale, ce qui est dit par le client est plutot spécifique et positif, alors que lors des moments de désynchronisation posturale ce qui est dit est plutot négatif et peu spécifique.
L’hypothése faite par J. Charny est que ces moments de synchronisation posturale donnent une indication sur la qualité de la relation.

Une étude de 1976 (LaFrance et Broadbent) examine la relation entre la congruence posturale et l’auto-évaluation sur le rapport dans 12 classes d’Université. Les moments de congruence posturale entre le professeur et les étudiants ont été corrélés avec une évaluation positive du rapport dans des questionnaires.

Le psychologue Geoffrey Beattie de l’université de Sheffield, publie en mars 1980, un article sur le même sujet dans le new scientist. Il a choisi de mener son étude sur une plage du sud de la France pour que les gens observés aient plus de choix au niveau des postures. Il a recensé 23 postures  différentes 11 assises, 11 allongées et 1 debout. Il a choisi d’observer des gens qui étaient par deux : 10 paires masculines et 10 paires mixtes. Chaque paire a été observée pendant 5 minutes. Toutes les 5 secondes la posture des deux personnes était codée. Les couples mixtes ont une posture synchronisée plus de la moitié du temps, alors que les couples masculins ont une posture synchronisée seulement un quart du temps. L’une des hypothéses de G. Beattie est que la conguence montre de manière inconsciente les liens qui unissent les deux personnes.
Si les observations montrernt qu’il y a un lien entre la congruence posturale et la qualité de la relation , du « rapport de confiance », quelle est la nature de ce lien ?
En tant que mammiféres nous possédons un « langage corporel » avec des codes bien précis, par exemple le fait de fixer quelqu’un dans les yeux est associé au fait de réclamer la dominance. Dans « les nourritures affectives » Boris CYRULNIK souligne l’importance du regard « Se sentir regardé  n’est pas neutre biologiquement, l’organisme y réagit par des réactions d’alerte, l’électroencéphalogramme s’affole et se désynchronise, le cœur s’accélère et les glandes sudoripares sécrètent un peu de sueur, inscrivant ainsi sur nos capteurs l’activation neurobiologique de celui qui se sent observé. Le regard de l’autre n’est pas neutre, c’est une perception qui provoque une alerte émotive, une sensation d’invitation ou d’intrusion. »
Nous partageons ce code avec les chimpanzés, il est vivement recommandé de ne pas fixer un chimpanzé droit dans les yeux, à moins d’être de l’autre côté d’une vitre très solide.
Un autre code  nous est commun : si notre posture est semblable, nous avons le même statut (Voir Frantz de Wall.)
Un autre élément important entre en ligne de compte pour nous encourager à adapter notre posture à celle de notre interlocuteur.
Nous prêtons attention à la posture de notre interlocuteur, à sa voix, à ses gestes  lorsqu’ils sont très différents des nôtres. On perçoit peu des éléments que l’on considère comme « normaux » . Qu’est ce qu’une posture, une voix, des gestes normaux ? les siens.
Par contre si nous percevons une différence, nous y prêtons attention et nous l’interprétons le plus souvent de manière défavorable pour l’autre, nous ne sommes plus dans la coopération mais dans la rivalité.

Il se tient plus droit que moi : il est rigide ! il se tient moins droit que moi : il ne s’en fait pas !
Il parle plus vite : il est speed
Il parle plus lentement : il est mou.

Quand le contact entre deux personnes est bon, on observe une SYNCHRONISATION inconsciente, à condition qu’il n’y ait pas de trop grands écarts au départ. Il s’agit donc de simplement veiller à ce qu’il n’y ait pas d’écart trop important et donc de faire un effort d’ADAPTATION.

Favoriser la protection : accueillir, valider et encourager

Prendre à son compte ses opinions, ne pas les présenter comme allant de soi ou étant des vérités universelles est une condition indispensable pour la création de l’alliance mais non suffisante.

Les concepts systémiques peuvent être classés en deux grandes familles : La cybernétique de type I, est celle qui considère que l’observateur ne fait pas partie de l’objet observé et la cybernétique de type II, est celle qui considère que l’observateur fait partie de l’objet observé.
Pour Paul Watzlawick (1921-2007), psychologue, philosophe et thérapeute renommé du Mental Research Institute de Palo Alto la réalité est le résultat d’une construction. Les travaux sur la perception visuelle des biologistes Humberto Maturana et Francisco Varela montrent que ce que nous considérons comme une réalité extérieure existant par elle même, est en fait une construction de notre système nerveux.

L’idée que, l’accompagnant puisse être et doive être un observateur neutre implique qu’il n’a aucun impact sur le système qu’il observe. Ce n’est pas l’hypothèse que nous retiendrons ici.
Si nous partons du principe que l’accompagnant ne peut pas être neutre, cela implique qu’il est important de réfléchir à  l’impact que nous souhaitons avoir dans la co-construction de la relation d’alliance.
Nous recommandons de se placer dans le rôle d’un « sponsor ».
Si ce terme est surtout utilisé dans un contexte financier, ce mot est emprunté au latin classique « sponsor » qui signifie « répondant, caution » et au latin ecclésiastique « parrain d’un néophyte » dérivé de spondere : s’engager qui a donné en français épouser.
dans Le Robert Dictionnaire historique de la langue Française sous la direction d’Alain Rey.

Etre un sponsor dans notre contexte se traduit par des interventions valorisantes pour notre interlocuteur. Je deviens de manière consciente et volontaire un soutien, un supporter de mon client. Ces compliments ont pour fonction première de reconnaître, d’accepter et de valoriser l’expérience de son client. Pour cela, nous pouvons valoriser

  • les comportements : cela n’a pas dû être facile, c’est bien d’avoir essayé
  • les capacités : c’est bien d’avoir réussi à …
  • les valeurs : le respect de soi, c’est très important
  • l’identité : c’est courageux ce que vous avez fait.

Quel que soit le compliment ce qui est le plus important c’est de pouvoir être sincère en le faisant.

Pour conclure, j’ai la conviction intime que c’est la coopération et non la rivalité qui à permis à notre espèce de survivre et que quelque soit la forme d’accompagnement que l’on pratique, l’alliance avec tous ses composants est ce qui permet à notre client d’être son propre expert et de trouver ses propres solutions.

Dominique laugero. Après des études littéraires et une licence de psychologie, il découvre la PNL au milieu des années 80, et en 1990, après un parcours avec Anne Linden du New-York Training Institute, il devient enseignant en PNL. Depuis 18 ans, il anime des cycles PNL et intervient comme consultant au sein de différentes entreprises. Depuis quelques années, à partir du modèle de l’Ennéagramme, il a développé une nouvelle approche du coaching basée sur l’expertise qu’il utilise dans le contexte professionnel et avec des sportifs. Co auteur avec S. Tenenbaum et F.Cave, de “Ennéagramme – Connaissance de soi et développement personnel” Inter Editions.

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